Akua Naru ou la poétique urbaine aux pieds nus.
C’est un peu fatiguée, la voix enrouée et le regard flou que l’artiste de New Haven, Akua Naru, nous a reçues dans son hôtel marseillais ce vendredi 20 février.
L’épuisement d’Akua Naru se comprend, son actualité est dense: sortie de son nouvel album «The Miner’s Canary», tournage d’un court-métrage et concert le soir même au Nomad’Café. L’envie est là, l’énergie est retenue, économisée jusque dans le souffle et les mots.
Pourtant elle nous donnera de son temps.
Akua Naru … Une actu intense – riche en collaborations:
The Miner’s Canary, d’abord, nouvel opus de la lady hip hop aux pieds nus vient de sortir.
L’image de ce canari qui alertait les mineurs des émanations toxiques inodores et invisibles au fond des galeries souterraines, colle à la posture d’Akua. Sous ses airs de jeune femme naïve et douce, l’artiste est aux avant-postes de notre société, elle observe et écrit sur les dangers qui guettent notre humanité, prônant amour et bienveillance au fil de ses textes.
Cet album, Akua Naru le décrit aussi politique que The Journey Aflame, sorti en 2011. Elle le revendique même. Elle ne parle pas de ses «lyrics» mais de ses «politics» quand elle évoque ses écrits. Ce ne sont donc pas des poèmes ou des paroles. Pourtant la poésie est toujours là, prégnante. Viendrait-elle du jeu entre son propos – quasi activiste, et la musicalité qui l’habite? Probablement.
Elle nous apprend aussi que sa musique est le fruit de rencontres. Parfois désirées, le plus souvent improvisées.
The Miner’s Canary sera ainsi enregistré entre Paris, New-York, Bruxelles, Sao Paulo et le Zimbabwé. Seize nouveaux titres écrits, composés et autoproduits, sont d’une extraordinaire richesse, tous nuancés de cet univers musical ambulant.
Elle invite le public français à découvrir l’album à travers le titre Falling, très suave, dans la lignée du majestueux Poetry.
Après une écoute plus attentive de l’album, et surtout après le live, je retiendrais plutôt Heard comme une entrée en matière clairement hip hop, même si l’album oscille entre les beats de la côte Est, le free jazz et la soul.
Akua Naru, le film
Akua Naru développe conjointement un projet cinématographique, autour de ce nouvel album. En collaboration étroite avec Terence Nance, qu’elle qualifie de réalisateur de génie et de Yohann Cornu à la production, le court-métrage parlera d’amour et mettra en image The Miner’s Canary.
Elle nous raconte alors qu’elle aime Marseille, qu’elle a choisi cette ville pour y tourner ce film. Etonnées, nous l’interrogeons sur ce choix. Akua évoque alors le caractère unique de la cité phocéenne. De son peuple, de sa lumière, de son climat. La quiétude, la Méditerranée et le brassin culturel qu’elle y perçoit en font le décor approprié.
Akua Naru y tient un petit rôle. De vrais acteurs tournent cette histoire écrite par Terence Nance. Le film est auto-produit lui aussi, en l’absence de majors en appui. Le staff a fait appel au crowdfunding pour développer ce projet.
Une nouvelle forme d’interaction participative avec son audience, qui accompagne, tant bien que mal, les indépendants.
https://vimeo.com/117897596
Akua Naru est sans nul doute l’une de ces artistes du nouveau siècle et du nouveau monde. Celui qui ne connaît pas de frontières physiques, qui vit avant tout de la scène et de toutes les rencontres qu’elle occasionne.
Elle s’appuie avec intelligence sur les outils modernes qui permettent de s’affranchir des majors en se connectant à son public.
Quelques marseillais auront d’ailleurs la chance ce soir-là de figurer dans le film de Terence Nance, au cours du tournage de quelques titres en live de l’artiste, après le concert officiel, dans la petite et chaleureuse salle du Nomad’Café.
Le paysage musical d’Akua Naru
Quand on a demandé à Akua de nous parler du son qui traine dans son Ipod, elle nous a cité du tac-o-tac le featuring de Chrisette Michelle sur le morceau Ah Yeah de Robert Glasper. Un artiste exceptionnel à ses oreilles dont elle aime toutes les Black Radios Sessions.
on a ensuite enchaîné nos classiques questions…
Un titre pour se réveiller?
Jill Scott – The Real Thing
Un souvenir musical d’enfance?
du gospel… Jesus is real, du pasteur John P Kee, que sa grand-mère lui faisait écouter. Et qu’elle ira découvrir un jour dans une église avec elle. Une émotion essentielle.
Le son de la colère?
Question étrange, Akua ne sait pas forcément répondre. Elle n’y avait jamais réfléchi.
Elle citera d’abord l’album Numbers de Nicholas Payton, puis reviendra plus tard sur le thème de la colère en évoquant et fredonnant un titre de Staind – Outside.
Un titre pour accompagner une après-midi paresseuse?
The Roots – Lazy afternoon (!)
Quand elle est amoureuse?
Akua sourit et cite, en précisant qu’elle n’écoute jamais ses propres morceaux d’habitude, Poetry : how does it feel? Son oeuvre. (cette perle reconnaissons-le).
Envie de danser?
Michael Jackson – Don’t stop till you get enough (sans la moindre hésitation)
Et quand la température monte ?
Eric Benet – Chocolate Legs
Quel titre l’a fait pleurer?
Akua hésite.
Elle récite quelques paroles du poème d’Oscar Brown – Better Man. Puis évoque Nina Simone et la force émotionnelle de Four Women.
https://www.youtube.com/watch?v=OSU5n7MElxw
Enfin, quand on lui demande si un morceau a contribué à son entrée dans la vie d’artiste, Akua Naru évoque unilatéralement, Lauryn Hill, en citant plusieurs morceaux du mythique «Miseducation of lauryn hill», comme une source d’inspiration sans égale.
A noter la jolie surprise de ce concert au Nomad’Café avec la découverte Tina Mweni, cette jeune chanteuse danoise d’origine kenyane, qui rappe et en anglais comme en danois, avec une fraicheur, un sourire et une énergie prometteuse.
des talents de danseuse, un look remarquable digne d’une Janelle Monaé, elle fait le show!
(et petite anecdote complémentaire: elle vit à Marseille!!! rien que pour tout ça: Big Up!)
Texte : Gaby / Credits Photos: ©lothilde.