Compositrice remarquable sur disque, c’est en live qu’Ane Brun insuffle à sa musique toute sa dimension. Comment ? Avec l’art, le cœur et la manière. Live report de son envoûtante prestation à l’Epicerie Moderne.
Aujourd’hui on nous bassine avec la crise de l’industrie musicale, les artistes qui ne vendent plus d’albums et tout un tas d’arguments économiques pour justifier les tarifs toujours plus élevés (voire indécents) des billets de concert. D’accord. Mais alors comment expliquer le prix de cette soirée à l’Epicerie Moderne ? Ane Brun et 6 musiciens professionnels servis par une production de haute volée pour un coût inférieur à… 18 euros ??? Inutile de tergiverser (quoique…) mais voilà qui méritait bien un brin de considération.
Revenons à la musique avec Mariam The Believer qui ouvre le bal dans l’épure. Baignée d’une pénombre bleutée, la chanteuse fait longuement résonner un bol himalayen avant de poser sa voix cabalistique. De cette introduction quasi incantatoire, l’artiste suédoise développera quelques compositions étirées avec pour accompagnements sa guitare et un flux discontinu d’électro. Sans oublier son fameux bol dont la sonorité sacrée s’entremêle particulièrement bien avec le chant. Le set captive même si la voix ne semble pas exploitée à son optimum. Une sensation confirmée par le dernier morceau sur lequel Mariam se lâche (enfin), ce qui ne la rend que plus énigmatique.
Tout de blanc vêtu, Ane Brun et sa troupe prennent rapidement possession de la scène. Ou plutôt de la salle au vu de l’évidence qui émerge dès les premiers instants de « Hanging » : l’emprise de la songwriteuse ne nous lâchera pas jusqu’à la dernière note. Fermement maîtrisée, la rythmique enjôle de sa douceur ouatée, magnifiant la délicatesse vocale de cette chanteuse empreinte d’élégance.
« Directions » s’enclenche avec cette même légèreté. A croire que libéré de sa production studio (ciselée mais probablement trop introvertie), When I’m Free respire en live. Joué dans son intégralité (à l’exception de « Signing Off »), le dernier album de la norvégienne se révèle alors passionnant sur scène.
Piochant dans sa discographie folk multi teintes, Ane mélange les titres avec maestria. Sur « Worship », elle convie Mariam The Believer pour assurer les répliques originellement chantées par José Gonzáles. Le mariage des deux voix féminines séduit tant par son relief que son charme. Le public lyonnais est conquis et n’a pas fini de l’être puisque Mariam réapparaîtra à plusieurs reprises. Duo inespéré, les deux miss scandinaves rayonnent d’une complicité souriante et dansante.
Quant au rendu musical, il s’avère tout bonnement impressionnant : 2 batteries, 1 basse ou contrebasse pour une rythmique souvent complexe mais toujours limpide à laquelle s’ajoutent violon, claviers et guitare. Un écrin de velours protéiforme, fluctuant de la densité (« Shape Of A Heart ») à l’aérien (« These Days ») avec une insouciance déconcertante.
Une escorte de luxe dont Ane sait par ailleurs s’affranchir, à l’instar de « All We Want Is Love » qu’elle interprète seule avec sa guitare. Plus encore que sa beauté dépouillée, la chanson touche par sa symbolique terriblement juste en cette période si particulière. Une sorte de rappel à l’ordre sur la dérive (l’abandon?) de notre humanité. Pour le mélancolique « Oh Love », elle demandera à son auditoire de fredonner « Go on to believe » en réponse au « I won’t believe » du refrain. « Continue de croire », des paroles rajoutées pour l’occasion et pour la bonne cause…
Difficile d’imaginer plus jolie conclusion que cet échange chaleureux et optimiste avec le public. Pourtant Ane n’en avait pas terminé avec l’apesanteur, réservant pour le final un enchaînement de trois de ses plus beaux titres : « Still Waters », « This Voice » puis le magnifique « Undertow » avec Mariam aux chœurs.
Comme si son talent ne se suffisait pas à lui-même, Ane Brun l’a déployé avec générosité et grâce. Laissant flotter ce soir-là dans l’Epicerie Moderne un peu comme d’un effluve divin.
Setlist :
(Merci à Fabrice !)
– Hanging
– Directions
– Black Notebook
– One
– To Let Myself Go
– Worship
– You Lift My Fire
– Miss You More
– All We Want Is Love
– Du Gråter Såt Store Tåra
– Daring To Love
– Better Than This
– These Days
– Shape Of A Heart
– Do You Remember
Rappel :
– Halo
– Oh Love
– Still Waters
– This Voice
– Undertow