Après quelques années d’escapade artistique en solitaires, Angus et Julia Stone sont de nouveau réunis à l’occasion d’un album au titre sobrement éponyme.
Indice de satisfaction : 73%
Exercice toujours délicat que celui du 3ème opus, Angus et Julia Stone, la fratrie australienne la plus connue de la sphère musicale avait effectivement pour lourde tâche de donner un digne successeur à « Down The Way », le disque tremplin à leur célébrité. « Grizzly Bear », le premier extrait (en téléchargement gratuit ici), laissait présager que le duo n’avait rien perdu de sa désinvolture si rafraîchissante. Et lorsque l’on sait que Rick Rubin était derrière les manettes, secondé par Billy Bush au mixage (excusez du peu !), on attendait avec impatience la suite de cette histoire de famille !
« Big Jet Plane », trois mots pour une chanson au succès planétaire. Pourtant si la popularité d’Angus et Julia Stone repose sur ce single doré, leur réussite de 2010 relevait d’un aboutissement bien plus ample, celui de « Down The Way » dans son intégralité. Un disque remarquable dont la qualité doit probablement beaucoup à la légèreté avec laquelle il a été réalisé.
Après ce succès inattendu, les deux enfants Stone ont choisi de vaquer à leurs projets solos respectifs. Fidèle à lui-même, Angus Stone a composé un « Broken Brights » roots au possible et de très bonne facture. Cependant que le petit dernier traçait paisiblement son chemin de surfeur vagabond et romantique, sa grande sœur s’est pour sa part offert un tour de montagnes russes. Tutoyant d’abord les sommets de la délicatesse avec le fragile (et en partie autobiographique) « The Memory Machine », Julia Stone dévale quelque peu la pente deux années plus tard. Succombant au doux chant des sirènes mercantiles, elle s’essaie en femme fatale sur l’aseptisé le très produit « By The Horns ». Enlisé dans un album trop lisse, son angélisme en perdra malheureusement de sa superbe.
Alors que chacun poursuivait son petit bonhomme de chemin, rien ne semblait prédisposer Angus et Julia Stone à rejouer ensemble… si ce n’est le coup de cœur (et surtout d’oreille !) de Rick Rubin. Sous le charme de l’alchimie Stone, le producteur à l’ahurissant CV (ACDC, Adele, Eminem, Jay-Z, Johny Cash, Metallica, Red Hot Chili Peppers…) veut absolument réunir le duo. A force de persuasion, il parvient à ses fins et Angus et Julia Stone finissent par enregistrer leur 3ème album sous son égide, dans son prestigieux studio Shangri La de Malibu.
Dès les premières secondes d’écoute, « Angus & Julia Stone » nous remémore que la symbiose des deux enfants Stone n’est pas un coup de marketing. Au-delà de leur talent propre, lorsque le frère et la sœur jouent ensemble, la musique semble couler de source. Avec leur sens inné de la mélodie tout parait facile, tel ce « A Heartbreak » qui déploie sans complexe sa rectiligne et marque instantanément l’esprit de sa déconcertante évidence.
Rick Rubin n’est d’ailleurs certainement pas étranger à cette fluidité. L’éminent producteur a fait évoluer le son de ses protégés. Là où « Down The Way » désarmait par sa candeur folk et papillonnante, « Angus & Julia Stone » surprend par sa maturité pop. Les ambiances se structurent, la batterie s’installe aux avant-postes et parfois même prend le dessus comme sur « Little Wiskey » où elle donne un répondant quasi martial au chant d’Angus. Mais si l’écrin change, les voix conservent leur singularité. Celle de Julia, notamment, fait état d’un large spectre d’humeurs : enjôleuse sur « My Word For It », versatile pour « Death Defying Acts » ou encore spleenétique dans un « Main Street » à la langueur berçante. Elle apporte beaucoup à la palette des teintures exhalées par le disque.
Plus formel que « Down The Way », « Angus et Julia Stone » ne manque pas pour autant de faire écho à son prédécesseur par quelques réminiscences bienvenues de nonchalance flottante. A l’instar de « From The Stalls » sur lequel Julia Stone suit sans forcer le sillon rythmique tandis que son frère vient lui donner la réplique sur le refrain. La chanson déroule tranquillement et laisse à croire qu’elle se mire vers une fin aussi élémentaire que son début. Mais voilà, à la 3ème minute Julia pose une ligne de chant enlevée dont elle a secret. C’est tellement simple et évident que l’on n’en est même pas surpris. Et pourtant en ces quelques instants presque anodins le morceau amorce une toute autre tournure, passant du titre convenu et formaté à une ballade d’Angus et Julia Stone. Le genre de « détail » qui contribue pour grande partie à leur enchantement.
Alors oui, il faut se rendre à l’évidence, Angus et Julia Stone ont grandi. Et leur musique aussi. Comme tout reflet de l’incontournable passage à l’âge adulte, « Angus & Julia Stone » est moins spontané, plus porté sur la forme. Même si les deux australiens nous offre de beaux moments avec leurs mélodies rêveuses, on reste quelque part moins captivé par ce troisième album paradoxalement moins harmonieux. Peut-être par nostalgie, celle de s’émerveiller devant la si touchante insouciance de leur début ?