Anna Calvi jouit d’une réputation d’être survoltée sur scène, mais toute timide en interview. Après notre double rencontre à Paloma de Nîmes, nous pouvons vous le confirmer.

Musik Please : Il s’est écoulé cinq ans entre vos albums One Breath et Hunter, pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Anna Calvi : Je voulais prendre mon temps pour trouver les bonnes chansons, celles qui pourraient s’accorder et que j’aurais vraiment envie de défendre. Donc j’ai vraiment pris mon temps pour les trouver.
Hunter semble être votre album le plus personnel, celui qui se rapproche le plus de votre vie personnelle, pouvez-vous nous en dire plus ?
J’imagine que plus on écrit de chansons, plus on a envie de se rapprocher de quelque chose de vrai, et je voulais vraiment écrire sur ce qui me semblait sincère et qui avait du sens à mes yeux. C’est ce que j’ai essayé de faire sur cet album.
Et pourquoi ne pas avoir écrit de la sorte auparavant ?
Et bien c’est un long processus ; j’ai toujours voulu faire ça, mais c’est une question de trouver les moyens de le faire, et apprendre à le faire.

Pourquoi avoir intitulé votre album « Hunter » (chasseur) ?
Le titre parle d’une femme qui est chasseur, au lieu d’être celle qui est chassée comme c’est souvent le cas dans notre culture. Ça parle d’elle, de la manière dont elle découvre le sens du plaisir, et simplement être l’héroïne de sa propre histoire, au lieu de ne faire que répondre à l’histoire de quelqu’un d’autre.
En écoutant vos paroles, je ne peux m’empêcher de penser à Sheila Take A Bow des Smiths. Est-ce que cela fait partie de vos influences ?
Et bien j’ai déjà assuré la première partie de Morrissey en tournée. J’aime vraiment beaucoup The Smiths, cependant, je ne dirais pas qu’ils aient eu une influence directe, non, pas vraiment. Mais j’aime beaucoup les paroles des Smiths, cette sorte de désespoir romantique, c’est très anglais. J’aime beaucoup.
Est-il vrai que vous ne vouliez pas chanter jusqu’à l’âge de 20 ans ?
C’est pas tellement que je ne voulais pas mais plutôt que je ne pouvais pas. Parce que ma voix quand je parle n’est pas très puissante, je pensais juste ne pas en être capable ; mais j’ai toujours pensé que ce serait formidable de pouvoir chanter.
C’était un manque de confiance en vous ?
Oui, probablement. C’est juste que ça ne m’avait même pas traversé l’esprit. Et effectivement, il m’a fallu des années de chant avant de pouvoir atteindre le niveau que j’ai aujourd’hui, j’ai dû beaucoup travailler.
Une des chansons semble sortir du lot sur Hunter, je pense à Swimming pool, est-ce que vous êtes d’accord avec ça ? Avec un côté assez aérien…

En effet pour cette chanson, je me suis en partie inspirée du peintre David Hockney. J’ai toujours trouvé que ses peintures de piscines étaient magnifiques. J’aime aussi cette idée utopique de l’amour, quand pour lui, il exprimait son amour pour les hommes, à une époque où il était encore clairement tabou de faire son coming out et de s’affirmer en tant qu’homosexuel. Et je trouve ça beau et définit tout en subtilité… je voulais vraiment écrire une chanson qui sonnerait à l’oreille comme ses peintures. Et il y a d’autres chansons sur l’album qui ont cette beauté tranquille, ce calme froid et aérien, comme There’s a way et Eden.
A propos de la chanson « Eden », elle me fait penser à « Song to the siren » de Tim Buckley. Est-ce-que la famille Buckley a une place à part dans votre cœur ?
C’est un joli compliment, merci. J’adore cette chanson. Jeff Buckley a été l’une de mes influences les plus importantes, sa voix était si libre, elle allait où elle voulait, il ne retenait rien, il prenait vraiment des risques, et aussi sa manière de jouer de la guitare était très jolie, avec ce son de réverb. Tout ça me parlait directement et m’allait droit au cœur, et j’ai tellement appris à force d’écouter ses albums.
Sur votre premier album, l’influence de Jeff Buckley était évidente, et maintenant, on a le sentiment qu’elle s’estompe…
Oui, effectivement, c’était mon premier album, et je pense qu’au fur et à mesure que tu avances, tu essaies de te trouver, et ne plus imiter les gens que tu aimes, même si la musique de Jeff sera toujours en moi, mais je n’essaie plus de le copier comme à mes débuts.
Maintenant, j’aimerais que l’on parle de votre playlist intime. Quelle est la toute dernière chanson que vous aillez écouté ?
Je crois que les tout derniers titres que j’ai écouté, c’était Jimmy Hendrix à Woodstock.
Votre chanson pour pleurer ?
La musique classique me fait pleurer et en particulier, les sonates pour violoncelle de Bach, c’est très beau et ça me fait toujours pleurer.
Votre chanson attachée à un souvenir d’enfance, ou à votre adolescence ?
Ce serait sûrement de la musique des années 50 parce que c’était ce que mon père écoutait, donc ce serait peut-être « Baby it’s you » des Shirelles.
Votre chanson pour faire l’amour ?
Peut-être une chanson de Lana Del Rey, n’importe laquelle de l’album « Lust for life ».
Quelle la chanson dont vous êtes la plus fière dans votre oeuvre ?
Comme j’essaie de faire de la musique qui crée une image, de la musique que vous pouvez vraiment voir, très visuelle, je pense que pour moi, la chanson « Swimming pool » est la plus accomplie, et j’en suis très fière.
Je sais que vous aimez bien faire des covers, quelle serait la prochaine chanson que vous aimeriez reprendre ?
Et bien je suis fan de Perfume Genious, alors, je pense que ce serait amusant de reprendre une de ses chansons. Il a une chanson qui s’appelle « Grid » que j’aime beaucoup.
Et pour terminer, votre chanson de film, votre bande son ?
Anna Calvi : « Taxidriver » est probablement ma bande son préférée.
Un grand merci à Jennifer pour sa réactivité et à Sarah pour la traduction.