Archive : Restriction
Voilà à peine sept mois que l’audiovisuel Axiom est paru qu’Archive revient déjà avec « Restriction », leur onzième album studio disponible chez Dangervisit/[PIAS].
Imperturbables dans leur ligne de conduite protéiforme, les anglais possèdent-ils encore la ressource de surprendre ?… Of course !
En presque deux décennies de carrière, Archive s’est bâti une discographie aussi conséquente que nuancée. Sans renier le trip hop glacial de l’originel Londonium ou la noirceur des monolithes conceptuels Controlling Crowds parts I – IV, le collectif poursuit sans temps mort son exploration artistique vers de nouveaux horizons. Dès la sortie d’Axiom (chroniqué ici), il avait ainsi clairement annoncé la couleur : le prochain album est déjà dans les clous !
Les londoniens sont donc toujours autant décidés et au vu de leur rythme effréné, ils ne semblent pas vraiment souffrir d’un quelconque essoufflement créatif. La seule écoute du premier titre « Feel It » suffit d’ailleurs à s’en convaincre : les guitares étrangement dégrippées mènent le bal d’un métissage rythmique électro-électrique endiablé sur lequel Dave Pen chante avec sa verve habituelle. « Restriction » commence fort.
Sur « Kid Corner », l’épais bouillonnement sonore se trouve cette fois-ci sous une domination électronique que la batterie de Steve Barnard syncope à grand renfort de boîtes à rythmes nerveuses. Sans atténuer la dynamique sombre du morceau, la voix mélodieuse d’Holly Martin en canalise quelque peu la froideur. Depuis sa collaboration sur le personnel et ténébreux With Us Until You’re Dead, la cadette de la bande a pris une ampleur vocale palpable, son chant collant de mieux en mieux à l’atmosphère du groupe. La justesse de sa voix sur « Black And Blue », lenteur aérienne de toute beauté, en esquisse peut-être la meilleure illustration.
En dévoilant ces trois précédents titres simultanément et très en amont du disque, Archive offrait à ses fans un avant-goût certes de qualité, mais surtout représentatif des ambiances kaléidoscopiques de « Restriction ». « On s’est mis d’accord pour faire un album avec douze chansons bien distinctes les unes des autres, qui viendraient toutes à peu près du même endroit, mais seraient en même temps diverses et uniques », explique Darius Keeler, un des deux piliers de la formation. Et effectivement « Restriction » ondoie entre calme et rythme, mélancolie et entrain, de façon beaucoup moins homogène et imbriquée que par le passé.
Malgré la complexité de leurs arrangements, les britanniques et leur coproducteur français Jérôme Devoise ont opté pour un son plus direct et brut. Archive n’a sans doute jamais sonné aussi rock. Et à l’instar d’un « Crushed » soutenu par des percussions appuyées et quelques grondements de guitares bien sentis, il faut reconnaître que l’efficacité est au rendez-vous. Nettement plus apaisé, « Third Quarter Storm » s’écoule avec fluidité dans un sillon de sobriété délicate, tandis que « Ladders » confirme la volonté de composition d’un disque aux pistes totalement dissociables. Enthousiasmant par le chant habité qui précipite une introduction quasi liturgique, le morceau conclut l’album avec autant de légitimité qu’il aurait pu l’ouvrir.
Exception faite de quelques longueurs (la linéarité inutilement étirée de « Half Built Houses »), l’évolution marquée par « Restriction » assigne à Archive une nouvelle relecture de sa musique. Sans compter une certaine ironie au regard de ce groupe qui pour notre plus grand plaisir, des restrictions s’en impose justement si peu.
Indice de satisfaction : 76 %