Baden Baden nous immerge dans son approche de la musique, le temps de quelques questions.
Après nous avoir fait plonger dans la nuit avec délectation, les Baden Baden confirment qu’ils ont bien les idées bien en place ! Interview exclusive MusiK Please.
Musik Please : – Votre premier album est sorti il y a un peu plus de deux ans alors que vous avez déjà la trentaine. Comment s’explique cette lente maturation ?
Baden Baden : – L’envie de concrétiser un projet musical nous est venue sur le tard. Le groupe existe depuis 2008, à l’approche de la trentaine. Pour moi ou Julien, ça a même été le premier et à ce jour le seul groupe qu’on ait connu ; les toutes premières scènes aussi… Une époque où l’accordage d’une guitare nous prenait dix bonnes minutes. On avait tout à apprendre par rapport à la scène et c’est ce qui a toujours été très enrichissant pour nous : Progresser, apprendre à se connaitre, repousser ses limites. Gabriel avait lui plus d’expérience et ça nous a beaucoup apporté. Avant le groupe, je n’aurais jamais imaginé monter sur scène. On a eu Julien et moi un peu le même parcours : j’ai par exemple toujours aimé créer sous des formes très diverses… A partir de 18-20 ans, parallèlement à mes études d’architecture qui, il faut le dire, offraient pas mal de temps libre…. j’ai été passionné par la production musicale, la composition… mais sans avoir aucun entourage musical c’était une occupation assez solitaire. Comme un passe-temps pendant mes études, quelque chose de très artisanal : une guitare, un ordinateur, trois bouts de ficelle et aussi l’idée étrange que l’âge de maturité pour un compositeur était autour de la trentaine. Je crois que je n’étais jamais satisfait et que c’était sans doute aussi un certain confort pendant très longtemps que de ne pas faire sortir cette musique de ma chambre.
MP : – Quel est votre parcours antérieur ? Vivez-vous désormais de votre musique ?
Baden Baden : – Gabriel a toujours été batteur professionnel et a évolué dans des projets très variés. C’est son métier. Julien et moi de notre côté avons fait des études, puis débuté une vie professionnelle (moi en architecture, Julien dans le web), tout ce qu’il y a de plus classique et épanouissant. La musique n’a jamais été par exemple une échappatoire à une quelconque frustration de ce côté-là, simplement une passion, un jeu auquel on s’est de plus en plus pris. Ça nous a toujours semblé très confortable de pouvoir évoluer dans cette “double vie”. Ça permet de ne pas dépendre financièrement de notre musique, ce qui veut dire être totalement libre artistiquement. La seule frustration parfois est que les journées ne font que 24 heures.
MP : – Votre premier disque mélangeait anglais et français. « Mille Eclairs » est quant à lui exclusivement écrit en français. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Baden Baden : – Ca n’était pas un choix, c’est plutôt devenu un fait. Au départ, en attaquant la composition de ce deuxième album, on imaginait bien un équilibre entre les deux langues. Les premiers morceaux composés l’ont été en Français et il y avait un vrai plaisir dans l’écriture. J’aime quand l’écriture est automatique, très instinctive, sans forcément intellectualiser dans un premier temps. C’est une ambiance, un instrumental, une mélodie qui va susciter des images, des mots… A partir de là, le français qui est ma langue maternelle favorise cette écriture plus fluide.
MP : – Paradoxalement, on sent plutôt des influences anglo-saxonnes dans cet album. Qu’en est-il réellement ?
Baden Baden : – La musique que l’on écoute depuis toujours est en grande partie anglo-saxonne. Quand on compose, l’instrumentation vient toujours en premier et elle est donc très imprégnée par cette culture. Ensuite, avec Fred Lefranc qui a réalisé avec nous l’album, on voulait aussi sortir de codes trop Franco-Français, bousculer nos habitudes de production, un côté peut-être trop propre. On a donc demandé à un anglais, Barny Barnicot d’apporter sa vision. On était intéressé par son travail car il a une culture très assumée de l’idée de bricolage, et l’envie de toujours sublimer les défauts et accidents d’un titre plutôt que de les gommer.
MP : – Et que dire au niveau de vos influences françaises ?
Baden Baden : – Elle est présente aussi même si c’est de manière plus inconsciente. A 12 ans j’avais trois cassettes que j’avais piquées à ma grande sœur et que j’écoutais en boucle : The Doors, Bob Marley et Jacques Brel… On a tous les trois je pense cette même culture très éclectique héritée de notre environnement familial où tout se mélange. Plus récemment, des artistes comme Alain Bashung ou Dominique A ont aussi une écriture très forte et personnelle qui nous a marquée.
MP : – Votre musique est particulièrement travaillée. Par quel processus de composition arrivez-vous à un tel résultat ?
Baden Baden : – Je ne sais pas si elle est particulièrement travaillée. Car par exemple on aime les “premiers jets” ou bien la notion de bricolage instinctif, le caractère imparfait, parfois sale ou mal joué. Il y a par exemple sur des albums de Portishead ou Balthazar des prises de guitares complètement à côté rythmiquement ou avec de jolis défauts… et qui font qu’on s’y attache particulièrement. C’est l’idée de capturer la magie de l’instant, même si c’est imparfait. Après ce qui est vrai dans les arrangements ou dans les structures des morceaux, c’est qu’on aime tout ce qui est complexe mais aussi limpide dès la première écoute. Si un morceau a besoin de 10 écoutes ou d’une explication de texte pour être compris, c’est qu’on a raté quelque chose… L’apport de Fred Lefranc à la réalisation a été important de ce côté-là : Trouver l’équilibre dans les arrangements entre notre goût pour les détails et en même temps se délester de tout bavardage ou remplissage inutile.
MP : – Au-delà de sa mélancolie, votre musique est empreinte d’un certain apaisement contemplatif. La sérénité est-elle un des traits de caractère du groupe ?
Baden Baden : – Je ne sais pas si c’est un trait de caractère, mais l’idée me plaît bien. Faire des chansons tristes, ça n’est pas être triste. J’aime l’idée aussi qu’en prenant de l’âge, on gagne en sagesse. Vieillir, ça n’est pas forcément quelque chose de moins flamboyant que d’avoir vingt ans. C’est l’idée de prendre les choses avec plus de recul. La grande force de la jeunesse est l’insouciance. En avançant dans la vie, on devient de plus en plus conscient. Conscient par exemple que la tristesse est quelque chose de naturelle en nous, qu’il ne faut pas renier. La tristesse c’est une frustration. Comprendre cette frustration permet de s’en défaire, d’avancer… Je n’aime pas l’idée qui voudrait que la musique soit un remède. Mais c’est sans doute une façon de prendre de la distance, une façon d’être plus philosophe et optimiste en essayant de pointer la beauté qu’il y a dans toutes choses.
MP : – En tant qu’artisans de pop française raffinée, vous sentez-vous proches des 49 Swimming Pools ? D’une manière plus générale, quelle relation entretenez-vous avec la scène hexagonale ?
Baden Baden : – Nous ne connaissons pas ce groupe, mais peut-être qu’on en est proche si tu le ressens comme ça ! On parle souvent de crise du disque… mais de manière générale, c’est intéressant de voir combien la scène musicale en France est très vivante et éclectique.
MP : – Comptez-vous reproduire les multiples sonorités de « 1000 Eclairs» sur scène et comment, ou au contraire envisagez-vous une interprétation plus dépouillée en live ?
Baden Baden : – Transposer un disque sur scène est toujours un exercice. Au départ on se dit qu’on veut reproduire fidèlement les choses, et qu’il suffit de reprendre chaque élément du disque. Mais ça ne marche jamais comme cela. Le studio offre une totale liberté. On peut avoir 3 ou bien 150 pistes si on veut. Sur scène, il y a une contrainte inhérente au fait qu’on est 5 et qu’on a chacun seulement deux bras et deux jambes. Au fait également que pour prendre du plaisir, on ne peut pas être constamment dans le contrôle et la concentration, donc il y a souvent le besoin de simplifier. Ça amène à réfléchir plus encore sur ce qui est essentiel. C’est souvent salvateur car de toute manière sur scène, la musique sonne différemment… il y a une vibration, quelque chose de plus brut qu’il faut privilégier. L’attention de quelqu’un qui écoute un morceau en concert ou bien dans son salon sur disque, se portera sur des choses très différentes. On n’a pas forcément envie de voir quelqu’un dans ses réglages et ses machines pour une exécution très technique des choses quand on assiste à un concert. Il y a quelque chose d’autre à transmettre sur scène. C’est ce à quoi on essaie de réfléchir.
MP : – Quels sont vos projets ainsi que vos vœux pour 2015 ?
Baden Baden : – On a hâte de faire découvrir le nouvel album qui sort le 9 février. On espère jouer Mille Eclairs sur un grand nombre de scènes un peu partout en France et à l’étranger. Voyager, retrouver cette vie de groupe, c’est quelque chose qui nous manque ! Tout se profile très bien en tout cas, donc on a hâte.
« Mille Eclairs » sort le 9 février chez Naïve.