Baxter Dury publie avec “Prince Of Tears” un cinquième album élégant et tourmenté par le dépit amoureux.
Trésor caché de la pop anglaise pendant les années 2000, Baxter Dury s’était révélé à la face du monde – et surtout de la France – en 2011 avec l’album “Happy Soup”. Un disque réussi de pop à la ligne claire où il avait su théoriser son style : une voix rauque entourée de chœurs féminins juvéniles soutenus par boîtes à rythmes et synthés un peu cheap. Assez éloigné de ses deux indispensables premiers albums, le sombre “Len Parrot’s Memorial Lift” (2002) – marqué par son père l’illustre Ian Dury dont il a attendu la mort en 2000 pour se lancer dans la musique – et le cocaïné et velvetien “Floor Show” (2005). Depuis 6 ans, Baxter avait donc la pêche (en enchaînant avec le parfois redondant “It’s A Pleasure” en 2014) et filait le parfait amour en ménage.
Mais voilà, une séparation douloureuse plus tard, l’Anglais a traversé l’enfer. Il revient là où il est le meilleur : désespéré et énervé sous le costume du “Prince Of Tears” (Prince des Larmes), titre de son nouvel album. Les disques de divorce sont souvent réussis (le “Here My Dear” de Marvin Gaye ou le “Ladies And Gentlemen We Are Floating In Space” de Spiritualized) et ça paraît être le cas ici aussi.
Pour l’illustrer, le dandy britannique a choisi de miser sur la basse et des cordes omniprésentes qui donnent un son plus riche et chaud que sur ses deux dernières livraisons. La voix y est encore plus grave que d’habitude se rapprochant encore de ses modèles que sont Serge Gainsbourg, Lee Hazlewood ou Leonard Cohen. Et comme les deux premiers cités, il conserve sa formule gagnante voix masculine/féminine avec Madelaine Hart (de retour depuis “Happy Soup”) et Rose Elinor Dougall (sur le lancinant “Porcelaine”).
Le mélange donne probablement son disque le plus anglais sur le plan musical depuis le premier (avec notamment la présence de Jason Williamson des Sleaford Mods sur le court “Almond Milk”). L’orgue de “Oi” empeste l’Angleterre des bureaux de paris sportifs et des pubs crades sur un texte où il parle au camarade de classe qui le martyrisait dans son enfance. Les parfaitement réussis “Mungo” et “August” sont de belles pop-songs tristes où il évoque la détresse qui l’habite depuis l’été.
Enfin, s’il joue trop au macho sur “Miami”, il y a beaucoup d’émotion sur “Wanna” ou sur “Prince Of Tears”, le sublime titre très Melody Nelson qui conclut l’album. L’une des plus belle réussite d’un disque classieux qui parvient donc à synthétiser les deux périodes (2002-2005 et 2011-2014) de ce si sympathique crooner de 45 ans qui nous conte sa vie en musique depuis près de 15 ans. En costard clair et un verre de rouge à la main.