En y ajoutant la touche de clarté nécessaire, les Bristoliens de Beak> ont su faire du troisième album “>>>” leur disque le plus captivant.
Il est toujours délicat de résumer un groupe à la somme de ses influences. Alors autant l’évacuer d’emblée pour Beak>. Entre un amour immodéré pour la musique répétitive des années 70 (la motorik music allemande de Can ou Neu, le post-punk, les Silver Apples) et une passion tout aussi vorace pour les bandes originales grande époque (Morricone, Goblin, Carpenter), le trio de Bristol ne s’est jamais vraiment écarté de son style minimaliste très caractéristique. Enregistré la plupart du temps en live et sans overdub. Il est tout aussi compliqué de parler de Beak> sans rappeler le CV de son batteur Geoff Barrow. Tête pensante des immenses Portishead en mise en sommeil illimitée depuis le magistral “Third” de 2008, le très caustique anglais – aussi drôle sur twitter que rigoureux dans sa musique – peut se payer le luxe de poursuivre sa carrière en toute intégrité et sans aucune exigence commerciale.
Accompagné de Billy Fuller (basse) et de Will Young (claviers), son projet diffuse donc depuis 2009 et le premier album Beak> une musique exigeante sombre et hypnotique que n’a pas renié le deuxième album “>>” (2012).
Ouverture
Alors à l’heure du forcément nommé “>>>” et après de multiples projets parallèles (<BAEK, des B.O., un disque de raretés), les trois briscards auraient pu garder leurs petites habitudes. Pourtant, si leurs précédentes productions studios flirtaient parfois avec la claustrophobie, ils ont décidé cette fois d’ouvrir – un peu – les fenêtres. Si le parfait (dans son rôle de titre d’ouverture) “The Brazilian”, le single “Bean Down” ou encore “RSI” restent du Beak> canal historique courant Kraut, le folk et le psychédélisme apportent de la chaleur à l’ambiance. Ainsi, la ballade psyché “Harvester” aux cordes bienvenues ou la conclusion “When We Fall” (version retravaillée d’un titre sorti sur un EP de 2015) qui croiserait Elliott Smith à des envolées de pop orchestrale 60’s sont de vraies réussites. Quant à la longue et belle procession aux orgues inquiétantes “Abbots Leigh”, elle pourrait servir de bande-son idéale à un western d’épouvante inspiré.
Ce sens de l’ouverture qui contraste avec le Brexit ambiant régnant en Angleterre et contre lequel Barrow n’a de cesse de se révolter se montre assez salutaire pour Beak> sans pour autant qu’ils renient leur probité. Et l’énorme cavalcade Kraut-disco qu’est le sommet du disque “Allé Sauvage” envoyant Blade Runner dans l’Allemagne de l’Ouest des 70’s de confirmer la forme optimale du groupe. Alors que la nouvelle scène de Bristol (Young Echo, Kinlaw…) montre que la belle créativité de cette drôle de ville du sud-ouest de l’Angleterre qui a secoué le son des années 90 continue à frémir, le parrain Barrow et sa bande tiennent encore la cadence.