Suite de notre retrospective de la carrière discographique de Kanye West. Est-il besoin de le présenter ?
Voilà. The Life Of Pablo, le dernier Kanye West est dispo. Plus que jamais, Kanye divise. Le personnage est clairement socialement inadapté ou à minima en totale roue libre mais les oeillères restent de sortie lorsqu’il est question de reconnaitre ses capacités créatives. Un réflexe sommes toute naturel face à sa surexposition médiatique. Il est plus simple de le dénigrer que d’argumenter en sa faveur.
Alors, reprenons cette retrospective des albums de Kanye West où nous l’avons laissé. Kanye West s’apprête a exploser en dehors des frontières du hip hop après le coming out pop de Graduation.
RAPPEL [Kanye West est avant tout un producteur. Il a commencé à percer en tant que ghost-producer pour Deric « D-Dot » « The Maad Rapper » Angelettie, célèbre « prodo » des 90’s, notamment chez Bad Boy Records. Mais c’est surtout son arrivée chez Roc-A-Fella au début des 00’s qui l’a propulsé. Le label de Dame Dash et Jay-Z domine le rap game et Kanye n’y est pas pour rien. Ses prods dont la base de samples soul pitchés*(accélérés, ralentis) est alors la marque de fabrique du label. Freeway, Beanie Sigel, Memphis Bleek puis Cam’ron et ses Diplomats vont joyeusement en profiter. The Blueprint est le déclencheur du mouvement. Un des « classiques » de Jay-Z (débat ? pas débats ?). West produit 5 des morceaux de l’album et devient hype comme s’il avait produit tout l’album.
Mais il ne compte pas se contenter d’être un simple producteurs de l’ombre et surfe sur la vague. C’est le début de Kanye West le MC.]
808’s & Heartbreack
La Roland TR-808, la boite à rythme mythique du Hip Hop 80’s mariée à l’Auto-tune, symbole dur par des années 2000. Encore un paradoxe « kanyesque ». Kanye West est dans sa période électro-pop comme en atteste sa future collabo avec Mr. Hudson. Mais il a également envie de donner un peu de noblesse à l’outil auto-tunes inventé par Andy Hildebrand, un ingénieur de chez Exxon (oui oui, le pétrole), pour analyser les séismes, puis reprit par Antares Audio Technologie pour faire chanter Britney Spears et Cher correctement. L’Auto-tune, vocoder 2.0, en prend plein la gueule. T-Pain ou encore Lil Wayne en abusent et c’est dégueulasse. Certains l’utilisent en live pour faire bonne figure. Jay-Z, s’attaque au joujou avec son D.O.A. West s’en fout et fonce. Le récent décès de sa mère (complications suite à une réduction mammaire et une liposuccion, c’est con, très con) lui donne des élans de mélo et l’association TR-808 et Auto-tune vont l’aider à se livrer. Ca donnera 808s & Heartbreak.
L’album sera très bien accueilli par les critiques (adulé par les Inrocks et même Télérama) mais finira de larguer les Hip-Hop heads de base. C’est compréhensible. Kanye s’est créé une nouvelle image, un nouveau look pour cet opus. Fini la crasse. C’est déroutant quand on aime le rap. Mais quand on aime la musique, on passe outre et on écoute. L’album est d’abord perçu comme un suicide artistique. Pas assez Hip-Hop pour ses premiers auditeurs. Pas assez Pop pour les derniers arrivés. Mais le résultat est là. C’est ambitieux, créatif, inattendu et touchant. Un album qui ne s’écoute qu’à certains moments de sa vie (je sais, c’est pompeux et naze comme formule).
Moins passe partout que ses trois premiers albums, l’artiste a pris le pas sur le Hip Hop’er. Les vidéos en sont la preuve. Celle de Welcome To Heartbreak est un bijou. L’utilisation de l’Auto-tune est une démonstration ringuardisant le petit Wayne (qui est présent sur l’album, c’est culotté) et sublime cet outil informatique. La 808 retrouve une seconde jeunesse. Kanye West est devenu en quelques sortes un artiste indie-pop. En quelques sortes, parce qu’il y ajoute une chose à priori contraire au terme « indie ». L’ambition. Ou plutôt l’égocentrisme, qui pour le coup est quelque chose de bien Hip-Hop. Un égo qui petit à petit va le pousser à aller plus loin quitte à diviser. Il s’en fout de diviser. Il ne pense qu’à lui. L’ensemble est donc cohérent. Sa prochaine étape ? Faire d’un album purement rap une véritable oeuvre d’art.
My Beautiful Dark Twisted Fantasy
Juillet 2010, POWER annonce la couleur avant d’être remixer pour le lancement des G.O.O.D. Friday. La vidéo-teaser aussi. Kanye West veut impressionner. L’album sortira en novembre. Malgré les regards sceptiques après 808s, My Beautiful Dark Twisted Fantasy est très attendu. Les G.O.O.D. Friday (coup de génie marketing) ont mis tout le monde d’accord mais c’est surtout les court métrage Runaway qui retourne tout le monde. Il faut s’attendre à un chef-d’oeuvre. Le casting donne le tournis (Bon Iver !!! ). C’est un album all-star. Des featuring dans tout les sens, des productions à plusieurs mains et nombres de voix célèbres à déchiffrer dans les crédits. Les voix de ses invités ne sont finalement que des instruments comme les autres. Kanye est un producteur avant tout, je vous le rappelle. L’album sera acclamé. Les classements de fin d’année le déclarent « album de l’année ». Il apparait déjà comme un best-of survitaminé de tout ce que Kanye a sorti jusque là. La pop de Graduation, le mélo de 808s, l’âme de Late Registration et la fraicheur de College Droupout.
Un certain Pablo arrivera quelques années plus tard avec la même idée. Mais avant cela, Kanye abandonnera vite «MBDTF » dès sa sortie pour se lancer dans un projet particulier. Mais quel projet peut pousser Kanye West à balancer son album comme ça après un boulot et un teasing aussi énorme ? Un indice. Monsieur « j’enfonce des portes ouvertes ».
To be continued...
By JP Filla