Affaire de famille rock et inspirée, Ropoporose fut une des bonnes surprises du dernier festival GéNéRiQ. Et comme en plus d’être doués, ils sont franchement sympas, Pauline et Romain se sont généreusement prêtés au jeu de l’interview.
MusiK Please : Ropoporose, voilà un nom de groupe peu commun ! Possède-t-il une signification particulière ?
Ropoporose : Lors de notre premier concert (il y a près de 5 ans), nous devions assez justement trouver un nom pour le programme. Et nous avons précipitamment trouvé celui-ci, qui n’est rien que le mélange de nos deux surnoms : roro, popo glissé au milieu et le rose pour la touche colorée à la fin. Cela fait donc quasiment 5 ans que nous entendons tous les jeux de mots possibles sur ce nom (rastapoporose est peut-être le mieux).
Sur scène, on sent une grande complicité entre vous. Vous jouez ensemble depuis longtemps ? D’ailleurs, comment un frère et une sœur musiciens en arrivent-ils à monter un groupe ?
Ropoporose :Nous avons commencé à jouer ensemble respectivement à nos 14 et 18 ans, pour la simple et bonne raison que nous commencions vraiment à partager des goûts similaires. Et que nous cherchions aussi une nouvelle correspondance dans notre pratique musicale, quelque chose de plus que nos expériences d’alors. Pauline étudiait le piano au conservatoire depuis 7 ou 8 ans mais n’avait jamais vraiment expérimenté la musique en groupe. Tandis que moi j’avais surtout eu un apprentissage empirique par le biais de quelques groupes, qui m’ont permis de découvrir tôt les concerts, les enregistrements et tout ça. Je pense que c’est cette différence qui a participé à la complicité que nous possédons. Parce que dès le départ, nous avons été très respectueux de la personnalité de l’autre, et aussi parce que l’on se connaît par cœur, bien évidemment.
Et la configuration duo, c’est un choix ? Ou est-ce que cela s’est fait naturellement ?
Ropoporose : Ça s’est fait tout naturellement, étant donné que nous n’avons pas d’autres frères et sœurs (qui, c’est bien dommage, auraient pu nous soulager en jouant de la basse). Ce n’est donc pas vraiment un choix, mais une disposition inhérente au groupe. Je ne nous vois pas jouer avec d’autres musiciens dans Ropoporose. C’est avant tout une histoire fraternelle.
Votre musique surprend par son côté mature et affirmé. Comment appréhendez-vous votre travail de composition/production ?
Ropoporose : Nous avons toujours fonctionné ensemble, dans l’écriture comme dans l’élaboration plus poussée des morceaux. Seulement deux ou trois titres trouvent leur origine dans une recherche personnelle de l’un ou l’autre. Disons que nous réfléchissons sûrement mieux à la musique ensemble, cela favorise l’émulation. Après, il n’y a pas de recettes. Parfois, les morceaux naissent d’eux-mêmes. Parfois il s’agit de bouts d’idées archivées à la va-vite dans notre pédale loop et complétés / additionnés des mois plus tard…
Vous jouez tous les deux de plusieurs instruments. Vous aimez toucher à tout et expérimenter ?
Ropoporose : Nous le faisons peut-être moins qu’avant, mais l’idée de toucher au plus d’instruments possible a été un facteur important. Nous ne sommes que deux et s’ouvrir à un instrumentarium varié est toujours un moyen d’expression supplémentaire. Sur le dernier album, nous avons recentré les instrumentations sur la base guitare-synthétiseurs-batterie, notamment parce que cette base, dans les mains de Thomas Poli (qui a enregistré et produit l’album), s’est spectaculairement enrichie. De textures, de variétés…
Quelles sont vos influences principales ?
Ropoporose : Les groupes qui nous ont le plus marqués, à nos débuts, étaient Arcade Fire, Sonic Youth, Yann Tiersen (sur ses albums Dust Lane et Skyline), Nick Cave, Peter Kernel… et beaucoup de groupes passés par le Festival Les Rockomotives qui se situe à Vendôme, là où nous vivons. Nous avons une musique très référencée, et sur le premier album beaucoup de morceaux sont pour nous directement inspirés des groupes cités. Après, sur le dernier album je pense que le référentiel s’est étendu vers des groupes comme Blonde Redhead, Tortoise… Ces deux groupes ont été par exemple très inspirants pour l’unité rythmique de l’album.
Vous brassez de nombreux genres parmi lesquels indie pop, rock alternatif, noise voire post-rock. Comment définiriez-vous votre musique ?
Ropoporose : Nous avons toujours eu du mal à définir notre musique, mais je pense que pop noise est un terme suffisamment généralisant pour ne pas être trop inexact. Je pense sans trop de prétention que nous souhaitons faire une musique qui, dans son rapport à l’instantanéité du live, est profondément performative. Nous aimons proposer des directions musicales qui ne s’attachent pas à une chapelle, une manière de faire. Mais le fil d’Ariane reste tout de même la conduite mélodique des morceaux… cette dynamique répétitive inhérente à la mécanique de la pédale loop. Et l’arythmie courtoise de la batterie, qui circule et corrompt cette même mécanique.
Quel morceau illustre selon vous particulièrement bien l’essence de votre musique ?
Ropoporose : En morceau à nous, je pense que « None », sur le dernier album, illustre bien ce que nous aimons vraiment faire actuellement, dans la recherche des textures, dans l’écriture… Après, si je devais choisir dans ce que j’écoute, un seul titre, et bien ce serait « Turnover » de Fugazi, ou « 23 » et « Melody » de Blonde Redhead…
Votre second album « Kernel, Foreign Moons » est sorti il y a peu. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce disque ?
Ropoporose : Nous avons enregistré ce disque avec Tomas Poli, guitariste et réalisateur de nombreux disques que nous aimons. Faire ce disque avec lui a été quelque chose de très fort. Nous avions préparé de nombreuses maquettes des titres, mais comme souvent, tout s’est passé pendant nos dix jours de studio : la mise en perspective, la possibilité de tout changer, d’être accompagné pour ça… c’est compliqué à retranscrire. Disons que l’album a été enregistré en octobre, mixé en novembre, masterisé en décembre. Nous avons reçu les disques en janvier et l’album est sorti en février. C’était très excitant comme processus, toutes les étapes se sont liées rapidement. Je pense que cela participe de l’unité du disque.
Après pour ce qui est de la musique, du sens des choses, nous avons souhaité cet album plus uni que le premier, qui avait été composé durant la première année du groupe. Là, nous avons pris plus de temps, en raison des tournées, d’autres choses. Mais nous nous sommes recentrés sur la composition durant les 6 derniers mois de 2016. Il y a de vieux morceaux qui ont bien roulé leur bosse déjà. D’autres qui sont nés vraiment de phases de composition peu de temps avant le studio. Tout ça forme bizarrement un équilibre, que nous avons essayé d’interpréter au travers du titre de l’album. Kernel signifie noyau, Foreign Moons les satellites étrangers. C’est en quelque sorte l’interprétation des douze titres du disque : la correspondance entre des morceaux soudés et d’autres plus éloignés. Entre des morceaux terrestres et d’autres plus célestes, minéraux… Ce titre nous a permis de sceller en quelque sorte la composition du disque, en donnant un sens définitif à notre travail.
Revenons au clip de « Birdbus » qui révèle votre sens inné du rythme ! D’où vous est venue cette idée d’une vidéo aussi décalée et hilarante ?
Ropoporose : « Birdbus » est un morceau très pop, je dirais rigolo, alors on souhaitait faire un clip rigolo aussi. On a demandé à notre ami Hugo Bernatas, qui réalise des clips, de venir une journée, on a repeint un mur de skatepark, on a fait une prise, on a pris une douche. Et Funken a mis des animations bien belles comme il sait faire. Rien de plus simple !
En ce moment, quels sont vos coups de cœur musicaux respectifs ?
Ropoporose : Je pense au dernier album de Foxygen, qui est très burlesque et très réussi. Il y a aussi le dernier EP de Blonde Redhead, l’album complètement sidérant du groupe de chez Constellation : Avec le soleil sortant de sa bouche… Pour Pauline, les deux derniers albums de Nick Cave et KXP.
Que peut-on vous souhaiter à Ropoporose pour la suite ?
Ropoporose : D’avoir toujours des idées.
Un grand merci à Pauline et Romain pour leur gentillesse et leur disponibilité.