Avec ce « Why Hasn’t Everything Already Disappeared? » à la richesse musicale folle, Deerhunter signe un retour flamboyant.

En bons caméléons de la scène indie rock US, les Sudistes de Deerhunter ont fait du chemin depuis près de 15 ans. Sous l’égide fragile du leader Bradford Cox, le punk ultra expérimental des débuts a laissé place à de nombreux allers-retours entre pop psychédélique, rock canal The Strokes, garage ou kraut pour un éventail parmi les plus riches et variés des dernières années. Et si le diptyque « Halcyon Digest » (2010) / « Monomania » (2013) restera probablement comme l’âge d’or de la carrière de ces chasseurs si particuliers, ils ont visiblement encore quelques cartouches. Le parfois disparate et inégal « Fading Frontier » de 2015 et ses légères incursions électroniques laissent désormais la place à un huitième album joyeusement intitulé « Why Hasn’t Everything Already Disappeared? » pour reprendre le philosophe Jean Baudrillard.
L’esthète lettré Cox (en solo également avec Atlas Sound) et le fidèle Lockett Pundt (Lotus Plaza) œuvrent aujourd’hui à ce qui pourrait s’apparenter à une forme d’art-rock tendance pop renvoyant à la bascule 70’s/80’s. Aidés par Cate Le Bon à la production, ils y ajoutent le lustre nécessaire pour un album au son chaud et boisé d’une grande richesse instrumentale (harpsicorde, marimba, saxo) comme en témoignait l’opulent single inaugural « Death In Midsummer ».
Luxueux
Le discours totalement pessimiste et nihiliste du disque – hanté par la mort alors que l’ancien bassiste Josh Fauver est décédé après la fin de l’enregistrement – contraste donc pleinement avec le luxe maniéré de ses arrangements. Souvent, l’ombre du duo Bowie/Eno est présente (le déchirant « What Happens To People », l’instrumental très « Low » « Greenpoint Gothic » ou l’incroyable « No One’s Sleeping »). Et la bande d’Atlanta d’enchaîner les perles mélodiques parmi les plus brillantes de sa carrière (« Element », « Futurism »). Seules les expérimentations un peu vaines de « Détournement » ou le funk facile de « Plains » dénotent là où « Nocturne » joue à fond le jeu de long morceau malade de fin de disque. Voilà de quoi fournir in fine une pièce élégante qui vient s’ajouter à une oeuvre globale qui commence sérieusement à prendre de l’ampleur.