LIVE REPORT du concert de Brad Mehldau Trio, dimanche 5 juillet pour la soirée de clôture du Charlie Jazz Festival de Vitrolles (13).
Le Domaine de Fontblanche a vibré aux sons d’une sélection d’artistes très éclectique résolument tournée vers la modernité. L’évènement de la soirée étant la présence exceptionnelle du Brad Mehldau Trio qui a insufflé un vent quasi cosmique durant deux heures sur l’ensemble du public.
Avant de vous narrer cette belle soirée et pour ceux qui auraient passé les 20 dernières années sur la planète Mars, permettez que je vous expose en quelques lignes le phénomène Brad Mehldau. Alors comment dire ? Brad Mehldau est un pianiste qui s’est forgé un nom dans le monde du jazz depuis les années 90.
https://www.youtube.com/watch?v=9Jxnr5jDkWg
Ce gars a l’air juvénile, est arrivé avec son trio (piano, contrebasse, batterie) et a foutu un beau bordel en sortant des canons imposés par le style. Par ses reprises de morceaux d’artistes estampillés pop-rock (Radiohead, Soundgarden, Oasis, Nick Drake, et bien d’autres), par ses compositions, par son interprétation des standards et par l’interaction fusionnelle des membres de son trio, depuis son apparition Brad Mehldau est le sujet de controverses préféré des « spécialistes ». Certains crient à la trahison à cause de sa façon de malmener le sacro-saint swing et les règles harmoniques, d’autres lui vouent carrément un culte ! Et pour ne rien arranger, Brad Mehldau est un virtuose du piano comme on en a peu entendu depuis la disparition de Bill Evans.
Evidemment, Brad et son trio ne sont pas les seuls artistes programmés de la soirée, les festivités débutent vers 18h00 sur la petite scène du Moulin avec un duo au doux nom de Petite Vengeance, un batteur et un soufflant qui pratique le saxophone et autres bizarreries exotiques à bec, les deux compères se lâchent allègrement devant quelques spectateurs parfois médusés par tant d’énergie et de folie. Plus loin, devant la scène principale dites des Platanes commence déjà l’attente fébrile de quelques aficionados, d’après le programme le Brad Mehldau Trio ne foulera pas la scène avant deux bonnes heures… pas grave on écoute l’accordeur marteler avec méthode, une note après l’autre sur le beau piano à queue noir Stenway & Sons.
Puis vient l’heure de la fanfare déambulatoire Imperial Kikiristan, bonne humeur communicative mais je préfère rester scotché à ma chaise, les places commencent à être trop chères.
A 20h40, le directeur du festival monte sur scène pour prononcer son discours de clôture avec les remerciements habituels, nous touche quelques mots sur l’aura de Brad Mehldau puis laisse rapidement la place aux artistes.
L’excitation est à son comble quand Brad Mehldau, Larry Grenadier (contrebasse) et Jeff Ballard (batterie) montent sur cette belle scène des Platanes, ils saluent le public puis attaque leur premier morceau. Premier morceau dans le plus pur style du célèbre trio, tempo lent mais pas trop, c’est langoureux et obsédant, les musiciens se cherchent un peu et l’alchimie prend très vite. Ces trois-là vont nous transporter durant deux heures dans une espèce de transe hypnotique empreinte de beauté.
Le moins que l’on puisse dire c’est que les gars ont du métier, ils enchainent compositions originales, dont deux en période d’essai, des « work in progress » sans titre comme nous explique le leader, ils passent par une valse brésilienne « Valsa Brasileira » écrite et composé par Chico Buarque et Edu Lobo, vient le titre « ‘Til I Die » de Brian Wilson le leader des Beach Boys, un slow de l’été version psychédélique.
Entre les morceaux, Brad Mehldau s’exprime en français, salue le public sans jamais se lever de son siège, on lit le calme et la sérénité dans sa façon de se mouvoir derrière son piano. Ses deux acolytes sont un peu plus excités, Larry Grenadier chante quasiment tout ce qu’il joue sur sa contrebasse et Jeff Ballard, en bon batteur, assure le show avec des breaks et solos à la manière d’un Max Roach 2.0.
Les morceaux se suivent et ne se ressemblent pas, quatres classiques de jazz avec « Airegin » (Sonny Rollis), « Si tu vois ma mère » (Sydney Bechet), « West Coast Blues » (Wes Montgomerry) et « Countdown » (John Coltrane) pour terminer le show !
Entre temps les gars ont fait mine de sortir de scène pour être rappelés deux fois, par un public debout, chauffé à blanc. A aucun moment la soirée n’a souffert de longueurs, chaque musicien a pu montrer pleinement la maitrise de son instrument, l’histoire de la musique a été balayée, en deux heures nous nous sommes souvenus de Debussy, Satie, Amstrong, Coltrane, Nirvana et d’autres. La force du trio est de nous avoir baladé sans jamais nous perdre et en nous laissant sur une note de « reviens-y ».
Le public est dans un état second et peut alors se mouvoir vers la petite scène centrale pour terminer la soirée dans une ambiance électro déjantée avec Thomas de Pourquery et son Magnetic Ensemble qui s’amuse à jouer une B.O de teuf rien qu’avec de vrais instruments et une voix…des fous…
FJ