Nous avions rendez-vous avec They Call Me Rico à L’Usine (Istres) le mois dernier pour un concert tellurique et une interview où l’on a parlé blues, bien sûr.
Véritable homme orchestre, Rico, Alias Frédéric Pellerin a réalisé une grosse performance scénique à Istres le 21 mars dernier, accompagné par Charlie Glad aux claviers et violon. Il nous a également parlé de son parcours et de ses projets avant le concert. Interview :
Musik Please : – Pouvez-vous nous raconter votre parcours, de Madcaps jusqu’à They Call Me Rico ?
Rico : – J’ai commencé Madcaps en 1998. C’est un groupe qui existe depuis une bonne quinzaine d’années. On n’a pas vraiment arrêté, on est juste en pause en fait. Je pense que quand tu joues dans un groupe, il y a beaucoup de compromis à faire. L’idée, c’était de créer un projet où j’étais maître à bord du début à la fin. Je voulais vraiment faire un truc qui me ressemblait et je voulais retourner au blues aussi, car avec Madcaps, il y en avait qui étaient fans de blues et d’autres moins. Donc, ça a commencé comme un projet parallèle : Au départ, je voulais seulement faire guitare-voix et puis finalement, les rythmiques manquaient et j’ai commencé à jouer un peu de grosse caisse pour agrémenter et c’est ainsi que le projet a débuté.
MP : – Le fait d’être homme-orchestre, est-ce un moyen d’être libre ou une contrainte ?
Rico : – Cela peut être une contrainte au début car il faut s’habituer, il faut travailler dur, mais en même temps, c’est une libération de pouvoir tout faire et j’aime bien jouer avec Charlie qui fait homme-orchestre quelque part lui aussi, puisqu’il assure violon et claviers. Sur les albums, il y a des chansons en solo et d’autres en groupe, donc j’aime aussi jouer avec d’autres musiciens. C’est venu assez naturellement, je n’ai pas trop réfléchi à ça quand j’ai commencé le projet, j’ai pris du plaisir à le faire et je continue à en avoir.
MP : – Le fait d’être installé en France, vivez-vous cela comme un exil ?
Rico : – C’est un peu un exil mais c’est aussi un choix. En fait, cela s’est fait assez naturellement car au Québec, j’avais une société de production musicale parallèlement à ma carrière de musicien. Je travaillais avec des gens en France qui organisaient des spectacles pour moi, donc je venais sporadiquement jouer ici et cela s’est mis à bien fonctionner. De ce fait, ma copine m’a dit : « Puisque tu es toujours absent, pourquoi ne pas tenter ta chance là-bas ? ». Nous sommes donc partis pour quelques mois au départ et on est resté…
MP : – Quelles sont vos influences pour le projet Rico ?
Rico : – Le musicien que j’aime le plus c’est Jimmy Hendrix, même si je ne suis pas sûr qu’on l’entende tant que ça dans ce que je fais. Je dirais que pour ce projet, les influences principales sont Robert Johnson, Tom Waits, Jack White, les Black Keys et Muddy Waters.
MP : – Pourquoi avoir repris Springsteen sur le dernier disque ?
Rico : – J’écoutais cette chanson quand j’étais ado, c’était les débuts de MTV et le clip passait tout le temps. Du coup, pour l’album précédent, j’ai pris ma guitare et c’est venu tout seul, mais je l’ai faite d’une façon un peu différente.
MP : – Vous avez joué avec des musiciens prestigieux ces derniers temps. Qui vous a particulièrement impressionné ?
Rico : – Humainement parlant, c’est Paul Personne. Au niveau de ce qu’il fait sur scène comme en dehors, c’est quelqu’un qui est entier, intègre et qui a gardé sa passion. Avec lui et son équipe c’était super et même sa musique que j’ai découverte.
MP : – Votre dernier album studio est sorti en 2013. Qu’avez-vous fait depuis ?
Rico : – Beaucoup de tournées, j’ai fait un album live aussi qui est sorti il y a quelques mois. Je travaille également beaucoup sur le prochain album. Avec Charlie, on vient d’enregistrer trois chansons, j’ai fait des maquettes aussi. Globalement, quand je n’enregistre pas, je compose ou je joue de la musique avec des amis.
MP : – Notez-vous des différences entre les publics français et québécois ?
Rico : – Je trouve que le public français est plus entier, plus physique d’une certaine façon et je dirais que je suis assez chanceux parce que cela se passe bien en général. Au Québec, le public est enthousiaste, mais moins physique et pas de la même façon.
MP : – Avez-vous envisagé de chanter en Français ?
Rico : – Oui, mais pas pour ce projet-là. J’écris des nouvelles en français, mais pour mes chansons, je n’ai pas envie de forcer la chose. J’ai plus envie d’écrire un livre que des paroles de chansons, car je ne me sens pas à l’aise dans l’exercice, en tout cas pas pour l’instant.
MP : – N’est-ce pas aussi lié au fait que vous jouiez du blues, musique anglophone par excellence ?
Rico : – Peut-être que d’une certaine façon, on est programmé à cela. Certains le font bien, mais personnellement quand j’écris, cela vient naturellement en anglais. Et puis je viens d’un pays où l’on est beaucoup plus exposé à la langue anglaise qu’ici.
MP : – Concernant le prochain album, y aura-t-il des évolutions par rapport au précédent ?
Rico : – Je pense qu’il sera différent et en même temps il y aura des côtés qui vont rester : Les côtés rugueux et blues, mais il y aura aussi des chansons plus rock et d’autres un peu plus planantes ; le tout, toujours avec un son analogique. On a commencé à enregistrer en mode live, mais on ne se fixe pas de règles pour cet album, on fera ce qui sera le mieux pour chaque chanson.
MP : – Connaissez-vous et appréciez-vous des musiciens français ?
Rico : – Oui, j’apprécie beaucoup parce que ce n’est pas la même culture que chez nous : Par exemple, le jazz manouche, qui est bien plus développé que chez nous. On rencontre plus de musique avec des cuivres, le hip hop et la chanson à texte sont plus présents ici. Chez nous, il y a plus une culture de rock indé ou de jazz.
MP : – Et si vous deviez me donner 2-3 noms ?
Rico : – Je ne sais pas, j’ai envie de parler de gens que je connais comme La mine de rien ou Des fourmis dans les mains, plutôt que des artistes établis comme M ou Bashung que j’aime beaucoup.
MP : – Et pour terminer, votre playlist du moment ?
Rico : – Linin’Track par Taj Mahal. Je pense que le premier qui l’a enregistré, c’est Leadbelly et on a commencé à la reprendre justement en concert. En fait, je peux citer l’album entier de Taj MahalThe Old Folks At Home. C’est un double album en fait, avec un côté en groupe et un côté acoustique. C’est magnifique, peut-être un des meilleurs albums de blues. En même temps, j’écoute aussi Jamiroquai, dans un style complètement opposé mais très soul. J’aime beaucoup la trajectoire de ce gars-là qui est resté en dehors des modes. Et pour terminer, je dirais Plume Latraverse, un québécois très connu qui joue un blues rugueux et qu’il faut vraiment découvrir.
© Photos et interview par Michel Ribes