Chucho Valdés et David Krakauer se sont produits sur la même scène lors de cette cinquième soirée du Festivals des Suds à Arles.
Encore une idée originale des programmateurs, nous faire vivre dans la même soirée, les assauts rythmés d’un jazz afro-cubain de haut vol puis l’ambiance étonnante mais non moins énergique de la musique Klezmer revisitée par un des acteurs majeur de la Radical Jewish Culture si chère à John Zorn.
Ouverture des portes à 20h30, le théâtre antique d’Arles reçoit ce soir Chucho Valdés and The Afro Cuban Messengers suivi de David Krakauer et son Ancestral Groove. Promesse d’une soirée clairement hétéroclite qui va nous faire voyager de Cuba vers la Pologne en passant par New-York, l’Afrique, le Moyen-Orient et la musique des Native Americans.
[Après une présentation de la soirée vient un message de soutien aux intermittents accompagné d’une “clameur de l’indignation” orchestrée par deux membres du groupe arlésien El Pulpo.]
Puis le grand pianiste cubain Chucho Valdés entre en scène pour saluer le public, le pas serein et d’une stature impressionnante, il entame cette première partie de soirée en solo. Après une introduction au piano, Chucho est vite rejoint par ses compagnons sur un titre au tempo endiablé. On sent immédiatement la cohésion du groupe, les percussions sont mises en avant avec un batteur et deux percussionnistes, un bassiste remuant, au timing implacable sans oublier un trompettiste sobre mais efficace.
Tous les visages sur scène sont souriants et tournés vers Chucho au piano qui dirige la soirée d’une main de maître. On passera ensuite d’une ballade classieuse aux accents rythm and blues à un morceau transcendant sur une tourne de basse répétitive ; on pense à Carlos Santana de la grande époque sans la guitare… Chucho Valdés cite “des standards de jazz pendant son chorus puis on clôture par des chants tribaux accompagnés des seuls instruments rythmiques accélérant à chaque nouveau cycle.
Le morceau suivant est un tango sur lequel Chucho Valdés va déployer toute son énergie, son jeu est typique des maitres cubains du piano, un toucher très classique, beaucoup de lyrisme, une grande virtuosité et un sens du rythme propre à ses racines africaines. Sa maîtrise de l’instrument est sans faille ! C’est que Chucho a été à bonne école puisqu’il est le fiston de Bebo Valdés, immense pianiste cubain qui a participé à la naissance du “latin jazz” en jouant avec des figures comme Dizzy Gillespie ou Charlie Parker pour ne pas les nommer !
Le groupe enchaine sans pause sur un blues swing plus jazz que cubain, puis vient l’un des moments les plus intense du concert avec une séquence percussions haletante ponctuée de questions-réponses entres les différents acteurs et de breaks complexes. Le batteur est d’une aisance déconcertante, toujours avec le sourire figé sur son visage, il nous conduit à l’apogée de cette première partie.
Pour le titre suivant, Chucho Valdés invite une chanteuse de la “famille” à monter sur scène, elle nous gratifie d’un scat dans la pure tradition, puis arrive David Krakauer pour jouer “the Bulgar Show”, mélange étonnant d’une rythmique afro-cubaine avec ce son de clarinette et ce vocabulaire propre à la musique yiddish, ça fonctionne malgré tout.
En dernier rappel revient Chucho Valdés et son groupe pour nous offrir une danse et une sortie de scène unplugged !
Après 30 minutes de pause, David Krakauer monte sur scène avec ses acolytes. Il fait preuve d’un enthousiasme typiquement new-yorkais, d’autant plus qu’il parle le français.
Une configuration totalement différente accompagne David Krakauer à la clarinette, avec guitare électrique, basse, batterie et sampler. Le son d’ensemble est clairement plus urbain, la guitariste s’impose d’emblée comme l’alter ego du leader, très présente tout au long du show elle nous gratifiera de solos plus électriques les uns que les autres dans un esprit très “hendrixien”, ne lâchant que très rarement sa pédale wha-wha.
Le groupe va égrener les titres du dernier album, David Krakauer ponctue l’ensemble de quelques anecdotes expliquant son parcours musical, sa quête d’identité et ses rencontres avec Fred Wesley (tromboniste de James Brown) ou le rappeur SoCalled.
Le leader pose sa clarinette sur différentes ambiances, parfois funk, parfois hiphop, parfois electro. Le vocabulaire qu’il emploie est constant, il s’agit de musique klezmer faite de répétitions, de fulgurances dans l’aigu ayant pour but de mener à la transe. On pense à la bande originale de Rabbi Jacob passée à la moulinette des sons urbains et modernes que peut proposer un label electro comme Ninja Tune.
En fin de prestation, David Krakauer nous démontre sa maîtrise avec une longue séquence de respiration circulaire, tel un joueur de digeredoo. Il tient la note sans pause, il chauffe son public !
En guise de rappel, le groupe nous un offre un morceau énergique co-écrit avec SoCalled, la foule est descendue dans la fosse, on se croirait en teuf !
Il est 0h30, fin des hostilités, les plus fêtards sont invités à rejoindre Dupain et DJ Maga Bo au parc des Ateliers pour finir la soirée.
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Redac: Flo / Photos © Michel Ribes