Le groupe EZ3kiel s’est produit à Annemasse (74) au Château Rouge ce 21 novembre 2014. MusiK Please y était.
La meilleure façon d’écouter la musique d’EZ3kiel, c’est de la regarder ! Cette phrase pourrait être le slogan de la formation tourangelle dont chaque disque se scelle d’une intime interaction conceptuelle entre son et visuel. Leur Lux Tour a dernièrement fait escale à Annemasse, une soirée envoûtante pour les oreilles comme pour les yeux. Live report…
En premier lieu, c’est CloZee qui prend les commandes de la scène tandis que l’accueillante salle du Château Rouge se remplit progressivement. Dans une atmosphère sobre et dépouillée, la jeune toulousaine brasse délicatement une multitude de courants électroniques, glitch en tête. Un résultat surprenant qui prête allégrement à l’évasion. Si tant est que l’on se laisse porter par les sonorités diverses qu’elle étire avec souplesse en de longs morceaux métissés. La précision et la singularité de son style lui ont déjà valu plusieurs récompenses (dont une aux UK Glitch Hop Awards) et laissent présager un bel avenir. CloZee, une demoiselle à suivre.
Archive, Massive Attack, Fink… les artistes diffusés durant les balances incarnent à merveille la dynamique d’EZ3kiel, ne serait-ce que pour leur perpétuelle remise en question. De ses débuts trip hop teintés de dubs puis imprégnés de post-rock à ses récentes explorations classiques (concrétisées par une série de représentations en compagnie d’un orchestre symphonique), le groupe français n’a eu de cesse que de faire évoluer sa musique. Au point de rendre son style totalement insaisissable. Dans la continuité de ce cheminement, « LUX », dernier album en date, emprunte une direction plus solaire au contraire de son prédécesseur studio, le sombre et compact « Battlefield ».
La pression monte durant quelques minutes pendant lesquelles l’obscurité plonge la salle. Les trois musiciens prennent place et commencent à jouer alors que le quatrième membre s’immisce par touches. Petite précision : ce dernier protagoniste n’est pas humain, pas même physique… mais photonique : 48 projecteurs Magicpanel (mur de lumière permettant également de diffuser des images), 1 800 LED ainsi que deux sources de laser. La lumière est la vedette et finit par s’accaparer l’espace scénique pour y insuffler une âme visuelle à la musique d’EZ3kiel. Au-delà de sa réussite musicale, « LUX » a d’ailleurs été conçu en prospective de la scénographie déployée en aval pour la tournée.
Difficile donc de rendre compte de l’unité son/lumière/émotion qui se dégage de la prestation. Un concert particulièrement organique en dépit du climat sensiblement électronique de « LUX », à l’honneur ce soir. Nettement plus en exergue que sur disque, la basse de Sylvain Joubert tisse une rythmique incroyablement solide, appropriant un nouveau relief à l’album. La longue introduction épique « Born In Valhalla » en voit ainsi sa veine rock/métal accentuée tandis que le fort potentiel cinématographique de son antinomie « Dead In Valhalla » trouve vie au travers du light show. Massif mais clair, le son n’omet pas la délicatesse des détails studio tels le violon lancinant de Pierre Bloch ou la mélancolique voix de Pierre Motron, samplés pour l’occasion. Et puis bien sûr le vibraphone réellement joué par le batteur Stéphane Babiaud apporte l’essentielle contrebalance de légèreté à l’épaisseur sonore d’EZ3kiel. A l’instar de la lenteur dévastatrice de « L ‘Œil Du Cyclone », sur laquelle on vibre au rythme des oscillations d’intensités musicales sublimées par les contrastes lumineux.
Deux titres bonus de l’EP « LUX Continuum » gagneront également leurs lettres de noblesse sur scène. Introduit par une batterie électronique glaciale qui ne cessera d’impulser le tempo, « Reflections » s’inscrit pleinement dans l’esprit d’EZ3kiel, affirmant un peu plus l’excellence du collectif dans l’hybridation organique/synthétique. « Antiloop » se déploiera quant à lui sur une tension filaire, équilibre improbable entre la guitare fluide de Johann Guillon et une rythmique d’airain.
Autre mention spéciale, « Versus » qui nous propulse en arrière d’une ténébreuse décennie. Une voix frigide répète obsessionnellement son nihilisme autour duquel tourbillonne le groove âpre d’une mélodie noisy. Ici encore, le contraste entre écouter le morceau confortablement et se le prendre live, littéralement en pleine figure, relève d’une expérience qui mérite d’être vécue. Sous réserve néanmoins d’une ouverture d’esprit suffisante pour une submersion dans une atmosphère dense pouvant s’avérer aussi passionnante pour les uns qu’absconse pour les autres.
Si les trois tourangeaux ne bougent pas de leur emplacement respectif, ils ne sont pas statiques pour autant et se démènent sur leurs instruments. Entièrement investis dans leur musique, ils ne prendront la parole qu’au moment du rappel afin de présenter et remercier le staff technique qui gère l’impressionnante scénographie. Une simplicité qui en dit long. Tout comme la générosité avec laquelle le groupe nous a ouvert les portes de son monde complexe et tapissé d’une poésie kaléidoscopique. Entre rendement économique et rendu artistique, EZ3kiel a choisi son camp…
1 décembre 2014 @ 21 h 24 min
très bon compte-rendu de ce spectacle qui s’apparente plus à un spectacle sons et lumières qu’à un concert de rock.