Avec son deuxième album “Contre-temps”, Flavien Berger embarque tout le monde dans un voyage pop très réussi à travers le temps et sa perception.
Considéré de façon quasi-unanime comme le futur petit prince de la pop française depuis son premier album “Leviathan” (2015), Flavien Berger a pris le temps. Avec le fantasque disque de noël “Contrebande 01” et son bien nommé “Trésor”, le parisien avait déjà fait comprendre qu’il tenait sa liberté artistique en haute estime.
C’est le luxe de Berger et ce qui le rend plus intéressant que la plupart de ses contemporains francophones. Avec sa dégaine d’étudiant en école d’art, le trentenaire se montre totalement hermétique aux sirènes du moment. Il développe dans son coin une oeuvre singulière qui tente beaucoup et réussit souvent. Une audace qui le rapprocherait de son compatriote Sébastien Tellier avec lequel il partage cette impression de génie intermittent aux fulgurances précieuses. Sensation qui se prolonge avec sa nouvelle production.
Alors après les ambiances aquatiques et abyssales de son premier album, il a donc choisi le thème du temps sur son deuxième long-format “Contre-temps”. Au delà de textes nostalgiques et imagés au style “cut-up” évoquant beaucoup de scènes/moments de la vie quotidienne dans un langage alternant l’intellectuel et le familier, ce qui marque le plus c’est la place prise par la voix de Berger. Il chante beaucoup plus et mieux. Sa neutralité si caractéristique dans le ton étant compensée par les voix beaucoup plus travaillées de Julia Lanoë (“A reculons”) et Bonnie Banane (“Contre-temps”). Habituellement seul, il s’est aussi fait aider par le clavier de Marc Melià (“Castelmaure”) et dans certaines compositions par Rory McCarthy (Infinite Bisous et passé chez DeMarco, Beck ou Connan Mockassin).
Audace
La qualité des trois premiers titres extraits du disque avant sa sortie – “Brutalisme”, “999999999” et le tubesque “Maddy La Nuit” – avait eu tendance à affoler les pronostics. Le résultat final est une réussite sur ce long disque de plus d’une heure. Si l’approche est résolument pop et moins expérimentale que par le passé, il s’autorise de l’autotune sur les textes très lettrés du mélancolique “Castelmaure”; Ou des basses rondes 80’s sur les non moins convaincants “Intersaison” et “Hyper Horloge”.
Et dans le registre des tentatives osées, le phrasé type R’n’B sur fond exotique du parfait “Pamplemousse” ou l’improbable refrain quasi raggamuffin du rythmé “Deadline” fonctionnent à merveille, tout comme le solo de guitare déchirant de la conclusion “Dyade”.
Il n’y a finalement que le titre au long cours “Contre-temps” (près de 14 minutes) qui se révèle être le plus difficile à appréhender. Composé de plusieurs parties dont certaines marchent mieux que d’autres flirtant parfois vraiment avec du cheap 90’s, ce morceau risqué où les voix de Berger et de Bonnie Banane se répondent peut se voir comme une sorte de fourre-tout assez inégal se terminant quand même sur de très belles cordes larmoyantes. Il n’y a pas de quoi toutefois remettre en question les qualités d’une oeuvre courageuse et assez visionnaire dans son approche de la “pop à la française”. A l’image de son collègue de label (Pan European Recording) Judah Warsky, Flavien Berger déploie une musique électronique en français instruite, innovante et décomplexée dans ce “Contre-Temps” qui confirme en grande partie les espoirs placés en lui.