Après six ans d’absence, John Maus livre un “Screen Memories” majestueux en forme de synthèse de sa pop si particulière.
Pour mieux revenir, John Maus avait d’abord choisi de disparaître. Depuis son inépuisable chef d’oeuvre de 2011 “We Must Become the Pitiless Censors of Ourselves”, l’Américain a passé les six dernières années loin des lumières hormis la sortie d’une compilation de raretés en 2012. Si ses activité durant ce hiatus ont été largement décrites (bouclage d’une thèse universitaire en philosophie politique, confection au tournevis et au fer à souder d’un synthétiseur analogique), Maus a aussi construit – probablement involontairement – un culte autour de sa personne en se retirant.
Ce compagnon de route d’Ariel Pink et d’Animal Collective au début des années 2000 a élaboré au fil des années une discographie singulière générant à la fois passion et moqueries. Son amour encyclopédique pour les musiques dîtes “classiques” (médiévale, baroque, polyphonies de la Renaissance), pour les synthétiseurs des années 70/80, le Post-Punk/Synth-wave mêlés à sa voix de baryton offraient forcément in fine un mélange spécial et clivant. Ses prestation scéniques totalement allumées ajoutant encore au mythe l’entourant. Et à l’écouter dans ses récentes interviews, ce personnage qu’il avait contribué à créer commençait aussi à le saouler. En bon idéaliste incompris par le monde actuel, il aurait presque des allures de Marcelo Bielsa de la pop.
Artisan de talent
Terré dans sa Funny Farm du fin fond de son Minnesota natal, Maus a donc pris le temps d’élaborer avec “Screen Memories” un quatrième album totalement artisanal qui viendra s’insérer dans une majestueuse boxset (à sortir en avril et déjà sold-out) regroupant toute sa discographie ainsi qu’un autre nouvel album “Addendum”. Pour certains, il s’agirait là d’un chant du cygne avant de partir vers de nouvelles aventures. Une version plausible tant il a su parvenir à une épure totale de son art. Les paroles sont ici réduites à leur plus simple expression devenant des mantras (“I see the combine coming” sur “The Combine”, “Your pets are gonna die” sur “Pets”) qui contrastent avec ses interviews érudites et prolixes.
Il use aussi à fond de son synthé fait-maison rappelant souvent John Carpenter (“Edge Of Forever”) et de la basse présente à tout bout de champ. A la fois grandiloquent avec les cordes très Axelrod de “The Combine”, Punk avec le solo à la Sex Pistols de “Find Out” ou une techno-pop d’inspiration Kraftwerk (“Touchdown”, “Pets”) voire très pop (“Wall Of Silence”, “Over Phantom”), il livre un disque cohérent et de qualité égale de bout en bout.
Enfin, s’il s’avère un peu moins évident et plus hermétique que son prédécesseur “We Must Become The Pitiless…”, il contient des passages d’une beauté désarmante (“Decide Decide”, “Sensitive Recollections” aux chants quasi-religieux). Le final “Bombs Away” composé avec ses vieux compères Ariel Pink et Matt Fishbeck faisant peut-être office de clin d’œil en forme d’adieu ? Une totale interprétation qui ne viendra donc en rien gâcher le plaisir d’un des disques les plus riches et éblouissants de l’année.
https://youtu.be/XocZjbTKYvo