Kid Francescoli raconte « Play Me Again » (Interview)
Kid Francescoli a reçu Musik Please dans son studio de la rue Paradis à Marseille. Le creuset de son 4ème album « Play Me Again ». Il nous en a détaillé la genèse pendant près de 45 minutes. Interview :
L’artiste marseillais Kid Francescoli a sorti son quatrième album « Play Me Again » le 3 mars 2017. Alors que ses titres « The Player » ou « Come Online » commencent à tourner en boucle sur les ondes, la tête pensante du projet Mathieu Hocine a accordé un entretien exclusif à Musik Please dans son studio.
Musik Please : Trois années se sont écoulées depuis le beau succès de ton précédent album « With Julia », quel regard portes-tu sur cette période ?
Kid Francescoli : C’était l’accomplissement d’un rêve. C’est là que j’ai commencé à pouvoir vivre de ma musique et pouvoir répondre « je suis musicien » quand on me demandait ce que je fais dans la vie. J’ai pu faire tout ce dont je rêvais quand j’étais plus jeune : faire des disques, des tournées, des interviews… Je l’avais déjà fait avec d’autres groupes (Nasser, Oh Tiger Mountain) mais pas encore en tant que Kid Francescoli. Pour la première fois, je voyais mon nom sur des affiches, je faisais des concerts annoncés complets à Paris. Je me demande encore comment c’est possible.
Ton quatrième album « Play Me Again » vient tout juste de sortir. Dans quel état d’esprit es-tu ?
Kid Francescoli : Je suis plutôt en paix. J’ai fait tout ce que j’ai pu, ni plus ni moins. Je me suis vraiment donné à fond pour l’album : trouver les meilleures mélodies possibles, les meilleures suites d’accords, les meilleures lignes de basse. Je suis très content du travail que j’ai fait et du live qu’on a préparé. J’attends donc cela avec plus d’impatience que de crainte. Peut-être que certains qui ont aimé « With Julia » ne s’y retrouveront pas mais je n’aurais rien à me reprocher car j’ai travaillé à fond.
Quand et comment l’idée de cet album a commencé à germer ?
Kid Francescoli : Dès la tournée de « With Julia ». Je m’y suis donc mis assez tôt. C’est à cette période qu’on a commencé à avoir le studio dans lequel nous sommes aujourd’hui ce qui m’a permis d’avoir ce réflexe professionnel de faire de la musique tous les jours.
Pendant la tournée, j’ai commencé en trouvant des boucles, c’est ce que je préfère faire. Partir d’un page blanche puis ajouter des lignes d’accords, de voix…
J’ai ensuite envoyé tout ça à Julia Minkin (chanteuse américaine du groupe depuis l’album « With Julia » et qui fut sa compagne) pour envisager les thèmes qui seront abordés. Elle a beaucoup de facilité à trouver des mélodies de voix alors que je suis meilleur pour les suites d’accords. Ça c’est fait de manière assez fluide jusqu’au moment où nous nous sommes retrouvés avec une cinquantaine d’ébauches de morceaux. Il a fallu faire le tri ce qui est le plus compliqué. L’aide de Simon Henner (French, 79, Nasser, Husbands et producteur de l’album) a été importante au cours de cette étape.
On dit parfois que des albums sont difficiles à accoucher, ce fut le cas cette fois ou plutôt le contraire ?
Kid Francescoli : Il y a eu différentes vagues. Le meilleur exemple est le morceau « The Player ». J’ai commencé avec la ligne de basse et les accords et Julia a trouvé le couplet quasiment tout de suite. J’en étais très content mais je n’avais pas le refrain que je voulais dans un esprit Disco, genre Glass Candy. Et j’ai mis des mois à le trouver. C’est finalement le thème d’un titre que j’avais jeté mais dont j’aimais beaucoup le refrain qui s’est avéré parfait pour « The Player ». Tu peux donc faire un couplet en une semaine mais mettre six mois pour accoucher du refrain. Dans l’ensemble, ça n’a donc pas été particulièrement compliqué mais ça n’a pas non plus été une partie de plaisir.
Il y avait une thématique particulière pour cet album ?
Kid Francescoli : Avec Julia, on s’est dit qu’on allait continuer à parler de nous car c’est ce qui nous inspire le plus. On a donc raconté la suite de l’histoire de « With Julia ». On s’éloigne de plus en plus sentimentalement mais on se retrouve encore plus musicalement. La complicité est de plus en plus grande, évidente et fluide. Ces thèmes ont été élaborés durant les interminables heures de train au cours de la tournée. Le résultat de deux ans de vie ensemble sur la route.
Le travail sur cet album a-t-il été plutôt solitaire ou collectif ?
Kid Francescoli : Plutôt solitaire cette fois dans la composition pure. Mais l’environnement du studio fait qu’il y a toujours une oreille pour venir te conseiller. J’ai souvent besoin de demander conseil aux gens qui m’entourent. Il y a toutefois deux morceaux qui sont « Moon » et « Come online » que j’ai complètement confiés à Simon de French 79. Il a produit tout l’album mais particulièrement ces deux titres. Sur le précédent album, j’avais beaucoup aimé son remix de « I don’t know how » et on s’est dit que ce serait bien qu’il mette sa patte sur ces deux morceaux.
Le précédent album « With Julia » avait une pochette et un son assez urbains et new-yorkais, nocturne tandis que « Play Me Again » paraît plus ensoleillé, presque plus marseillais…
Kid Francescoli: Oui complètement. Chacun a sa façon de voir l’album… J’ai tellement passé de temps dedans que l’album c’est surtout pour moi un enchaînement de fichiers et d’accords. Mais là où les faits rejoignent ce que tu dis c’est qu’au moment de « With Julia », j’ai passé beaucoup de temps en solitaire la nuit à New-York et j’ai découvert le monde de la nuit new-yorkaise mais aussi marseillaise. Alors que pour « Play Me Again » j’avais moins besoin d’aventures et de chasser l’ennui. J’ai passé plus de temps à tourner et à profiter plus des jours que des nuits. Et surtout à profiter de ma ville car, en tant que musicien professionnel, j’avais plus de temps pour divaguer sur la Corniche en scooter. Ce que je ne faisais pas avant car j’avais cette culpabilité de travailler toujours plus pour devenir musicien. J’étais donc plus apaisé.
On dit souvent que ce qu’on écoute pendant l’élaboration d’un disque influence ce disque, qu’écoutais-tu pendant la composition de « Play Me Again » ?
Kid Francescoli: Je confirme cette théorie car c’est vraiment ma seule façon de composer. On parle beaucoup de la muse Julia, de l’Amérique, des films mais ce qui m’influence le plus c’est la musique. Si j’écoute un morceau et qu’il me plaît j’ai envie de m’en inspirer tout de suite. C’était pendant longtemps le cas pour Ratatat par exemple. Leur son, leur groove me donnent immédiatement envie de faire de la musique.
Pendant l’élaboration de cet album, j’ai amassé beaucoup d’influences au fil des mois. Ca a commencé par Niagara avec « Pendant que les champs brûlent » et beaucoup de musique électronique de club. Et il y a eu pas mal de rap et de R’n’B comme Drake, Rihanna, A$ap Rocky ou Kendrick Lamar car il y a une vraie fraîcheur dans leurs morceaux. « LSD » d’A$ap Rocky réussit l’exploit d’être un morceau de hip-hop qui aurait pu être produit par Spectrum (alias Sonic Boom/ Peter Kember ancien membre de Spacemen 3) ou Psychic TV. Ça m’a sauté aux oreilles et ce fut une grosse gifle. C’est ce qui m’a fait me dire qu’il fallait que je suive ce genre de piste.
Tu as une formation plutôt rock et pop mais l’innovation semble vraiment du côté du Rap et du R’n’B actuellement, comment l’expliques-tu ?
Kid Francescoli : Je pense que ces artistes sont surtout plus aventureux. L’album de Kendrick Lamar par exemple est un ovni, très compliqué, avec beaucoup de textes, des envolées presque free-jazz… Chez lui ou chez les autres, il y a beaucoup plus de prises de risques que chez les groupes de rock ou de pop qui font souvent appel aux mêmes recettes, même si certains se démarquent comme Mac deMarco, Tame Impala ou LA Priest notamment.
Un exemple frappant c’est « Hotline Bling » de Drake. Avec sa façon de rapper, ses instrus à la fois lourdes et très minimalistes, ça te met une claque. La même qu’ont dû ressentir les gens quand « Sergent Pepper » des Beatles est sorti avec cette pop enregistrée avec un orchestre symphonique.
Et il y a toujours les Strokes. Ça tient surtout aux mélodies de Julian Casablancas qui est selon moi un génie et le meilleur compositeur vivant. Ils ont tout cassé avec leur premier album mais ils ont su évoluer depuis en prenant toujours des risques. Je ne sais pas si j’ai pris des risques sur cet album mais j’ai réussi à inclure quelques rythmiques un peu R’n’B, rien que la démarche est importante pour moi.
Parmi les prises de risques, il y a le premier single qui est chanté en français, « Les Vitrines », comment cela est venu ?
Kid Francescoli: Ça me titillait depuis un moment. Déjà avec « Dirty Blonde » lors de la réédition de « With Julia » sur lequel j’avais fait chanter à Julia des paroles en français que j’avais écrites et dont j’étais très content. Mais il y avait toujours le bouclier qui est Julia car elle est américaine et que ça peut passer avec l’accent, même si les paroles ne sont pas du niveau de Gainsbourg ou de Brel.
Pour cet album, faire un titre en français faisait donc partie de ma « to do list ». Tout est parti d’un texte de David Borras (The Performers), un collaborateur de longue date. Il m’avait fait lire quelques lignes et le déclic est arrivé quand j’ai lu la phrase « Et toi pas très subtil tu mates les filles » car il y avait là tout ce que j’aime chez Gainsbourg ou chez Houellebecq. Soit des poètes avec des textes très profonds mais aussi d’autres très terre à terre. Du genre « moitié légume moitié mec » chez Gainsbourg (« L’homme à tête de chou »). Ça m’a fait dire qu’il faut parfois savoir lâcher prise et ne pas trop intellectualiser la langue. Les paroles des « Vitrines » collaient parfaitement et je me suis dit qu’il fallait en profiter.
Le morceau « It’s Only Music Baby » apparaît comme une belle synthèse de ton évolution musicale, ça a même failli être le titre de l’album…
Kid Francescoli: Oui et c’est le morceau dont je suis le plus fier. Quand j’ai commencé à composer l’album je voulais un morceau qui soit dans l’esprit de tout le cinéma que j’avais vu dans cette période : les films début 80’s américains à Los Angeles avec les palmiers et les vagues comme « The Player » de Robert Altman, « Hot Spot » de Dennis Hopper ou « To Live And Die in LA » de William Friedkin. J’avais vraiment envie de réussir à faire une sorte de BO de ces films. J’y ai mis des guitares et du saxophone qui est un instrument très risqué. C’est en tout cas le genre de morceau que je peux assumer complètement, même si on me dit qu’il fait trop années 80 avec son sax’ et sa caisse claire qui claque trop…
Tu fais pleinement partie d’une scène marseillaise très vivace, te sens-tu un peu comme un porte-étendard de ta ville ?
Kid Francescoli: Je suis très fier de l’énergie que dégage toute cette clique. Que ce soit Nasser, Oh Tiger Mountain, French 79, Date With Elvis ou Diapositive qui évoluent tous dans ce studio. Quand j’ai commencé à travailler dans la musique, Marseille était considérée comme une ville plutôt hip-hop et reggae. Et c’est grâce à eux que j’ai commencé à me professionnaliser en travaillant avec Raspigaou ou la Fonky Family. J’ai beaucoup appris auprès d’eux et j’en garde un très bon souvenir.
Aujourd’hui, la façon d’écouter de la musique a changé et on ne se cantonne plus à un style de musique, Marseille a évolué et c’est comme une grosse marmite dans laquelle tout le monde évolue. Je suis très fier d’en faire partie et de représenter Marseille dans le pays mais aussi de représenter la France à l’étranger. Comme en Afrique du Sud récemment où on a été très bien accueilli en tant que français avec le label « French Touch ».
Tu as aussi participé au projet Husbands avec Simon Henner et Mathieu Poulain (Oh Tiger Mountain), qu’est ce que cela t’a apporté ?
Kid Francescoli: C’était la première fois que je travaillais avec un groupe et que je faisais partager ma musique. C’était un peu un saut dans le vide et j’ai eu besoin de leur faire confiance. Ils ont été fantastiques avec moi car ils m’ont vraiment mis à l’aise en me disant ce qui était bon et ce qui l’était moins, notamment sur mes prises de voix. C’était une sorte de frénésie créative à cette époque car on composait beaucoup avec trois cerveaux très actifs dans un style musical beaucoup plus dansant que le mien habituellement.
Cela explique-t-il aussi que tu chantes plus sur « Play Me Again » ?
Kid Francescoli: Oui j’ai pris plus confiance en moi. Dans les albums précédents, je me posais pas mal de questions sur la façon dont ma voix était perçue par les gens. Dans Husbands, Simon avait ses lignes de voix très aiguës et Mathieu sa voix de crooner avec une palette très large. Moi, j’avais mon rôle de celui qui murmure calmement en chanté-parlé et ils m’ont poussé à aller encore plus dans cette direction. Je l’ai donc encore plus assumé dans « Play Me Again » car j’avais trouvé ma voie. Sans jeux de mot.
Quel est le programme pour les semaines et les mois à venir ?
Kid Francescoli: Beaucoup de promo. Ma première date sera à Florence en Italie ce dont je suis assez fier. Il y aura ensuite des dates à travers la France avec Lille, Bordeaux, Lyon… Et le Café de la Danse à Paris fin mars qui est complet, une autre fierté, puis le Trianon toujours à Paris qui nous attend en novembre avec plein de dates entretemps.
Les premières dates de la tournée :
11/03 : Circolo Culturale Urbano – Florence (Italie)
18/03 : Grand mix – Lille (59)
23/03 : Café de la danse – Paris (75) – COMPLET
24/03 : Nuits zébrées – Brest (29)
25/03 : 6par4 – Laval (53)
22/04 : Printemps de Bourges – Bourges (18)
27/04 : Soufflerie – Rezé (44)
11/05 : Marché gare – Lyon (69)
18/05: Krakatoa – Bordeaux (33)
19/05 : Rockstore – Montpellier (34)
14/06 : Aucard de tours – Tours (37)
24/06 : Marsatac – Marseille (13)
29/06 : Nuits Carées – Antibes (06)
16/11 : Le Trianon – Paris (75)