Le Klub des Loosers de Fuzati publie un troisième album original (« Le Chat et Autres Histoires ») imperméable aux tendances du rap actuel.
Personnage à part dans le monde hétéroclite du rap français, Fuzati reste fidèle au poste après presque 20 ans d’activité. Avec l’indépendance en cheval de bataille et en continuant à bosser en parallèle de la musique, le Versaillais a ferraillé avec son Klub des Loosers, le Klub des 7 ou encore l’Atelier dans ce qui avait été dénommé avec une certaine fainéantise le rap alternatif français du début des années 2000.
Et là ou la plupart de ses congénères de l’époque (TTC, ATK, Svinkels) ont disparu ou sombré dans l’anonymat, le rappeur masqué a poursuivi sa route loin des majors et de toute mode. Des textes sombres et désabusés, un flow lettré et des instrumentaux psyché / easy-listening / jazzy ont ainsi toujours été sa marque de fabrique pour le bonheur d’un noyau dur de fans de ce hip-hop hors du temps.
Malgré de multiples projets annexes et mixtapes, il ne sort finalement que son troisième véritable album sous le nom du Klub des Loosers depuis l’inaugural « Sous le signe du V » (2004). Pour « Le Chat et Autres Histoires » qui succède à l’impeccable « La Fin de l’Espèce » (2012), Fuzati est désormais seul aux commandes après avoir évolué en duo avec Orgasmic ou DJ Detect par le passé. Plus de DJ mais un groupe avec des membres de Dorian Pimpernel ou Tahiti 80. Il en résulte un album véritablement pop qui s’éloigne encore plus musicalement du rap traditionnel avec une déferlante de synthés vintage rappelant la pop française luxuriante des années 70. La basse soyeuse d’« Acétone », l’usage du vocoder ou les refrains de « Feuilles Volantes » et « Cosmonaute » par Jérémie Orsel renvoient directement à des maîtres en la matière. A savoir ses compatriotes versaillais de Air avec qui il avait collaboré via Jean-Benoît Dunckel sur « Sous le Signe du V ».
Et comme souvent chez Fuzati, ce sont aussi les textes de ce pré-quadragénaire qui marquent. A savoir un recueil de nouvelles parlant beaucoup du temps qui passe (les réussites « Acétone » et « Générique »), de misère sexuelle (« Le Bouquet », « Deux Clowns »), du rêve américain déchu pour un kid des années 80 (« Le Poing Américain ») ou d’un écrivain cocaïnomane sur l’excellent « Sports d’Hiver ». Si les chœurs chantés de « Fantômes » ou l’électronique de « Neuf moins Huit » ne sont pas forcément très heureux, « Le Chat et Autres Histoires » a l’immense mérite d’offrir une voie totalement à part dans le rap français. Loin de l’autotune ou du trap que ce féru de musique avoue ne pas écouter. Pour continuer à creuser le sillon de son parcours si particulier.
https://youtu.be/yT0i9g6I8Q8