« Reconnaissance », le tant attendu premier album de LINGUS sort aujourd’hui. Un disque qui vaut vraiment le coup d’oreille… plutôt deux fois qu’une ! Et pour l’apprécier à sa juste valeur, le trio de rock composite en explique lui-même la genèse. Morceau par morceau.
Une exclusivité MusiK Please.

« Reconnaissance », voilà un titre conceptuel dont on espère également qu’il sera prémonitoire. Car les LINGUS ont pondu là un album diablement réussi. Preuve flamboyante que l’on peut être doué et inventif en restant humble et pétri d’humour. Et comme en plus les petits Lyonnais sont vachement sympas, ils nous racontent l’histoire de leur bébé dans les moindres détails.
1. « Kings Of Lyon »
LINGUS : C’est le premier morceau qui a lancé la composition de l’album. Il est parti d’une « blague » sur un clavier dans la maison familiale à Vienne, durant un été : une suite d’arpèges grandiloquents façon « stadium rock » pompeux. Une ligne de basse très strokes-ienne a suivi pour le couplet. Puis un riff, puis deux… Se sont greffées ensuite les paroles qui sont devenues le thème général de l’album : la lutte pour la reconnaissance, un concept développé par le philosophe allemand Axel Honneth. Appliqué à la scène musicale dite « émergente », le titre rend compte de l’absurdité de la concurrence qui peut exister entre les groupes. On est parti du principe que le monde de la musique était un champ de bataille, un champ concurrentiel dans une course illusoire à la reconnaissance. Le clip en est tout simplement l’allégorie sportive, avec deux équipes qui s’affrontent sur un terrain de foot. Il y a vraiment un côté anti-héros, un côté loser magnifique qui se dégage du clip : on a fait une petite chorégraphie de danse qui vient bien renforcer ce côté lose. On est tout raide, on ne danse pas très bien. Ce titre qui ouvre l’album est en quelque sorte un hymne à l’humilité et le nom donné à la chanson est évidemment du second degré. On se moque de nous-mêmes et des différents acteurs qui sont partie prenante de cette course ridicule.
2. « No Tuture »
LINGUS : Il s’agit du 1er titre du groupe écrit entièrement en français. Nous avons volontairement adopté une écriture innocente, naïve et absurde. Elle nous correspond bien. Le morceau évoque la caractéristique commune des trois membres du groupe qui a perduré plusieurs années : celle de ne pas conduire. Une anomalie d’autant plus marquée quand vous êtes un « garçon » dans une société encore très genrée. L’un d’entre nous a le permis depuis longtemps, mais n’a jamais ou peu reconduit dans sa vie, tandis que les deux autres ne l’avaient tout simplement pas… Jusqu’à l’année dernière : nous l’avons passé quasiment en même temps. Pendant plusieurs années, nous étions un peu des anomalies. Le titre fait référence à la « gentille » pression sociale que cela a engendré dans nos vies respectives, ainsi que la nécessité de se dépatouiller pour trouver des potes qui ont bien voulu nous trimballer par-ci par-là pour nos concerts. On leur rend aussi hommage dans ce morceau. Finalement, c’est un titre très popounet, avec un refrain hommage aux Queens Of The Stone Age, rythmiquement du moins, ponctué par une fin un peu « grandiose » et orchestrale. Une sorte de BO de film en somme (quelle humilité !).
3. « The Tribe »
LINGUS : Un titre plutôt « dance rock », ponctué de gros riffs et d’un refrain assez aérien. Il s’agit d’un morceau un peu « ovni » que nous aimons beaucoup jouer en live. Mais qui relève de la performance car très long et avec des esprits très différents selon les passages. Dans le clip, nous avons effectué un footing sur une route de campagne. Ce titre, très long et nécessitant une certaine endurance, a un côté « lutte ». Raccroché au thème de l’album, c’est une sorte de course effrénée pour la visibilité, avec une fin de morceau grandiloquente, pensée depuis le début pour le live.
4. « Wohoho »
LINGUS : Deuxième titre de l’album chanté entièrement en français. Un couplet très mélancolique, mais assez drôle, façon « crooner triste ». L’écriture est là encore faussement enfantine, sur le voyage immobile VS les grands bouleversements climatiques qui s’annoncent. On trouve que l’écriture naïve permet d’illustrer au mieux l’absurdité d’un monde qui court toujours plus vite à sa perte. L’idée de « tropisme », présente dans les pré-refrains, évoque cette tendance de l’être humain à se précipiter collectivement vers ce toujours pire et ce de manière assez univoque. Un titre assez bizarre aussi, avec un refrain techno hasbeen très 90’s. On a vraiment pris du plaisir à faire ce titre qui est un peu foufou et pour lequel le mixeur de l’album, Etienne Pelosoff, a vraiment imprimé sa patte.
5. « Knights Of Ravintsara »
LINGUS : Ce titre plutôt comique et second degré rend hommage aux huiles essentielles. Dans les paroles, on se met volontairement en porte à faux avec le cliché des rockeurs : forcément drogués, alcooliques, grandes gueules et virils. Nous sommes tout l’inverse : tout secs, timides et introvertis. C’est une sorte de déconstruction de la masculinité-rock stéréotypée encore très prégnante dans ce style de musique. Musicalement, l’intro est un clin d’œil à Kavinsky et Muse. Le reste du morceau est clairement un hommage à System of a Down, groupe avec lequel nous avons grandi et qui représente tellement dans notre éducation musicale… Ce croisement rock et mélodies orientales a pu voir le jour grâce à une collaboration avec un clarinettiste stambouliote rencontré en Turquie en 2020. Un soir, alors que nous étions un peu guillerets dans un bar avec un ami turc, nous avons assisté au concert de ce musicien, qui nous a enchantés. A ce moment-là, nous nous sommes dits sur le ton de la plaisanterie que « ce mec serait sur notre album ». Deux ans après, c’est chose faite : Dogukan a accepté de collaborer sur l’album en enregistrant depuis son studio à Istanbul.
6. « Non Monsieur »
LINGUS : Il s’agit du 3ème morceau composé pour l’album. Assez diversifié également d’un point de vue musical. Un couplet calme -sans doute le plus posé de l’histoire du groupe- et un refrain chanté en français avec nos trois copines en featuring. Un morceau que l’on a enregistré façon colonie de vacances, avec plusieurs sessions de voix dans notre studio. C’était très cool et ça faisait plaisir de partager ça avec elles. On aimait beaucoup l’idée d’un refrain à punchline polysémique. « Non monsieur je ne suis pas celui qui dit être moi » est sans doute la phrase qui représente le mieux Reconnaissance. La fin du titre a un côté complètement fou, façon « chœurs de l’armée rouge », ridiculement martial et absurde.
7. « Le Collaborateur »
LINGUS : Il faut s’accrocher pour ne pas se foutre en l’air à l’écoute de cet interlude, d’une tristesse et d’une noirceur assez prononcées. Il s’agit d’un témoignage extrait d’un documentaire de Pierre Carles intitulé « Attention Danger Travail ». Il fait écho au thème de l’album : l’absence de reconnaissance, cette fois-ci dans le monde du travail. C’est la parole d’un « invisible », qui date un peu, mais qui fait écho à des situations sociales qui n’ont évidemment pas disparues, de la France périphérique, de la France des oubliés. Nous nous sommes rappelés de l’existence de ce témoignage en partie après avoir lu les livres d’Edouard Louis, qui dépeint de manière crue la misère sociale et économique qui touche notamment le nord du pays. Très répétitif, un arpège de guitare constitue le fil conducteur du morceau, afin de mettre en avant le discours, sur fond de musique électronique. Un titre un peu particulier, plus froid et beaucoup moins organique que les autres.
8. « Reconnaissance »
LINGUS : C’est un titre très long, en deux parties. Nous avons collaboré avec un trompettiste français, pour ce morceau estampillé « western spaghetti ». On a été biberonné aux films de Sergio Leone avec notre papa, et on s’est toujours promis de terminer notre 1er album avec un morceau « filmique ». Nous avions notamment beaucoup visionné « Il était une fois dans l’Ouest » étant petits, et la BO de Ennio Morricone nous a toujours transporté et mis des frissons. La première partie du morceau est plutôt posée, tandis que la seconde relève de la cavalcade. On passe de la balade pépouze en poney à une course effrénée, qui est là aussi un clin d’œil à un titre de Muse que nous adorons : « Knights Of Cydonia ». On voulait absolument finir l’album sur cette note un peu « épique » pour dire au revoir correctement aux copains/copines qui nous écoutent.

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LINGUS – Reconnaissance / Disponible sur le site officiel du groupe.