Low : Eloge de la lenteur
A contre-courant d’une époque dont le rythme asséné s’accélère toujours plus, les américains de Low publient un onzième disque d’une lenteur déroutante.
Une lenteur insolante même, tant le spleen mélodique de « Ones And Sixes » oblige à ralentir pour en savourer l’entière et froide splendeur.
Certes, avec plus de deux décennies d’existence au compteur, les membres de Low ne sont plus véritablement des perdreaux de l’année ! Mais peu importe le nombre des années puisque après avoir accouché d’une dizaine d’albums studio (dont certains dans la douleur), le trio inconsolable se montre encore capable de composer un brûlot de la trempe de « Ones And Sixes ».
Tout débute par un beat fébrile et dépouillé, une introduction voilée de l’ombre de Depeche Mode sur laquelle Alan Sparhawk pose délicatement sa voix. Discret au départ, le chant de Mimi Parker porté par une basse sourde et suspendue finira par prendre progressivement l’entière relève. Concluant ainsi « Gentle » avec le même mélange d’indolence sombre et de pudeur que celui l’a initié.
Arrive ensuite l’atmosphère millimétrée de « No Comprende ». Entre dosage parcimonieux de l’instrumentation et connivence remarquable des voix, le single s’empreint d’une profondeur édifiante. Les chœurs de Mimi se mêlent joliment au chant plaintif d’Alan tandis que la rythmique à la Blak Keys sous prozac déroule avec une lenteur mélancolique pour s’abîmer dans un final contemplatif.
Si la complémentarité des voix fonctionne à merveille, la solitude de Mimi n’est pas pour autant dénuée de charme, notamment lorsqu’elle nous gratifie de sa douceur clair-obscur sur l’intimiste « Into You ». Plus effacée dans « Landslide », elle laisse le soin à son compagnon de nous transir les tympans de son chant d’une gravité quasi frigide.
Difficile de trouver quelque chose à redire sur ce disque aux arrangements résolument modernes et à la production intelligente de BJ Burton. Cette espèce de kaléidoscope polaire brasse avec éclat tonalités pop (« Kid In The Corner » et son irrésistible crescendo) et essences expérimentales (la vapeur indus de « The Innocents »). Low se permet tout, même la délectation le sacrilège d’une chanson aussi directe que « What Part Of Me ».
Contrairement à The London Souls, Low ne risque certainement pas de se voir un jour remboursé par la sécu mais il démontre de fort belle manière que rien ne presse et que la mélancolie peut faire un bien fou aux oreilles… avis aux orl !