Surprenant, brillant, décevant, détesté, adulé… après 20 années d’une carrière muée par tant de paradoxes, que peut-il encore rester dans les tripes de Marilyn Manson ?
Réponse simple avec « The Pale Emperor » sorti en ce début d’année : il subsiste (au moins) de quoi faire un bon disque.
Indice de satisfaction : 74%
Voilà un moment (ponctué entre autres par les albums The High End Of Low et Born Villain) que Marilyn Manson nageait en eaux troubles. De quoi rester d’autant plus dubitatif que ces derniers temps le Révérend apparaissait nettement plus investi dans le cinéma (Rise, Wrong Cops) ou la télévision (Californication, Sons Of Anarchy).
Une demi-teinte musicale qui ne pouvait qu’accentuer l’intérêt suscité par les extraits de « The Pale Emperor » mis en écoute en amont de sa sortie. Un espoir fébrile vite rassuré par « Third Day Of A Seven Binge » comme « Deep Six » qui marquent le retour de Manson à l’un de ses points forts : la rythmique. Très prononcée mais fluide, cette dernière confère aux deux titres une belle accroche. Et même si « Deep Six » ne révolutionne ni le genre ni l’œuvre du personnage, son efficacité ne s’en avère pas moins diablement imparable.
Une première mise en bouche qui révèlait avec relative justesse la saveur générale du disque. « The Pale Emperor » est pourvu d’un lot de chansons de très belle facture, du genre de celles que l’on n’osait plus attendre. « The Devil Beneath My Feet », par exemple : basse un brin mégalo, percussions entraînantes doublées d’une dose de guitare inspirée. Ventilé de brefs intermèdes électro, l’ensemble coule tellement de source que le résultat en devient irrésistible.
Le son est bon, les atmosphères travaillées. Quant au chant, autre point fort de l’opus, Manson le soigne tout particulièrement. « J’ai découvert le blues. J’ai toujours eu ça en moi, même si je ne l’exprimais pas », explique-t-il dans une déclaration calculée dont il a le secret et qui prête un peu au sourire. Mais il faut bien reconnaître que dès l’ouverture c’est effectivement une ambiance assez bluesy qui se dégage de « Killing Strangers ». Une teinte dont s’émaille le disque pour aboutir à quelques dénouements étonnants comme « Odds Of Even » et son final gothique inattendu.
Sombre mais sobre, « The Pale Emperor » réfracte l’image d’un Marilyn Manson posé : « Ce disque a la confiance qui me manquait ». La rock star approche de la cinquantaine mais surtout sa collaboration avec Tyler Bates semble l’avoir conforté sous une nouvelle lumière obscurité de sa propre musique, quelque chose touchant quasiment au contemplatif. Compositeur et co-producteur de l’album, Tyler Bates par ailleurs auteur de nombreuses BO, contribue à ce climat cinématographique prégnant. Un versant canalisateur sur lequel Manson pose une voix assagie bien que toujours empreinte de ce désespoir qui fait souvent mouche. Néanmoins, « The Pale Emperor » n’échappe pas à quelques complaintes inutilement pompeuses, notamment avec « Birds Of Hell Awaiting » (rappels peut-être indispensables au style auto proclamé de « Suicide Rock » ?!!).
Dans sa version deluxe, l’album propose trois morceaux du tracklisting revisités en acoustique. Si ce genre d’exercice aurait certainement gagné en authenticité par des arrangements moins poussés, la seule qualité du chant, encore une fois, mérite de s’y attarder. Et puis inutile de chipoter là où Marilyn Manson ne peut que pousser à la jubilation. Certes la rage a cédé sa place à l’opulence, mais entre nous, ne vaut-il mieux pas profiter d’un dandy en pleine forme que regretter un insurgé définitivement enterré ?