Oui du recul. Il faut en prendre en toutes circonstances. Surtout quand album ou un artiste est aussi « indiscutable » que Stromae. L’accueil de son album Multitude a-t-il été trop généreux ?

L’artiste (international) Stromae réussit une nouvelle fois a faire de chacune des ses sorties un réel évènement. Il est vrai que ses interventions dans les médias sont souvent le prolongement de son oeuvre. Il ne se contente pas d’interpréter en direct ses chansons. Pour chacune de ses sortie, il analyse la meilleure moyen de coller au média et à la chanson qu’il interprète. Mais outre sa maîtrise inégalée de l’art de la promotion on est en droit de se demander ce qu’il en est vraiment du produit finis. Vous savez ce qu’on appelle un album. Il en sort une multitude.
À la première écoute (en une traite) de Multitude je me suis d’abord laissé surprendre par le fait d’écouter vraiment l’album en entier, en une traite. C’est vrai quoi! Qui n’a jamais abusé de l’avance rapide ou du bouton « suivant » à la première écoute d’un album? Et même lorsqu’il s’agit de votre artiste préféré.
La première idée est donc que l’album Multitude s’écoute et s’entend. On reste accroché d’un bout à l’autre. L’attention est soutenue tout au long des treize titres qui le composent. Deux raisons évidentes: les textes et la musique.
Les textes de Multitude
Stromae se définit d’avantage comme un compositeur, beatmaker, producteur… ce troisième album le confirme pourtant comme un parolier hors pair. Grâce à ses doutes et ses coup de pouces (Orelsan est régulièrement consulté par Stromae pour la partie écriture) Stromae réussit à nous emporter, à nous séduire, à nous convaincre, à réveiller en nous cette petite voix intérieur qui dit : « c’est trop vrai » ; « c’est trop ça ». Multitude a ce petit quelque chose d’universel.
Aussi modeste soit-il, Stromae s’impose comme un des grands paroliers de notre temps. Sur les traces de Jacques Brel dont l’affiliation est de plus en plus évidente. Sur les traces du rap. Stromae se révèle plus chanteur que rappeur, mais les thèmes abordés (la maladie, la dépression, le féminisme, avoir des enfants, l’indifférence sociale, le couple, la rupture, la vie quoi!) sont plein de convictions assassines. Les mots crus employés, le ton incisif font aussi de Stromae un rappeur.
La musique de Multitude
Malgré des thèmes pas vraiment « feel good » (à part le titre bonne journée) l’album n’est pas « dark » dans ses sonorités. Des sonorités inédites marquées de la signature Stromae. Il n’est pas évident d’avoir une signature sonore en plus d’une réelle empreinte vocale. Le belge jouit de ce double bénéfice arraché à la force de travail. Un travail abouti qui se ressent sur chacun des titres de Multitude. Les guitares, les cordes, les caisses claires sont quasiment absente de l’album. Des sonorités biscornues autrefois interprétées au synthé ont désormais été remplacée par de curieux instruments.
Stromae est allé chercher des experts en erhu (cet instrument à cordes chinois), des maîtres du ney (flûte qu’on joue dans les pays arabes, perses ou en Turquie), du charango (sorte de petite guitare andine, d’Amérique du Sud). L’album jouit d’une multitude de sonorités pas du tout habituelles. Cela nous remémore qu’il existe un quantité importante d’instrument en dehors des guitares et de la batterie. L’introduction de ces touches exotiques dans l’album ne font pas basculer Stromae dans la world music, rassurez vous.
Les thèmes et les instruments utilisés dans Multitude ont un caractère totalement universel. Il n’est pas étonnant que Stromae « s’exporte ». Il atteint le beau et le juste d’un manière magistrale. Même si son oeuvre ne s’écoute pas en toutes circonstances la question qui peut se poser à trois mois révolus de la sortie de l’album est la suivante:
Ai-je toujours envie de l’écouter? Es-ce qu’à l’image de beaucoup d’album de rap, une écoute unique est nécessaire ?
La réponse appartient à chacun. Prenons l’exemple de Orelsan. Ses albums sont brillants. Pourtant une fois le message passé (et c’est déjà énorme de réussir à faire passer un message, c’est la base), au de là de quelques écoutes, on y revient pas forcément avec une grande excitation. Un peu comme une revue qu’on a finis. C’est pas du Michael Jackson. C’est pas du Bach..
C’est un point commun entre les albums de Stromae et d’Orelsan. on les accueille à bras ouvert, on kiffe les textes, mais au bout de quelques semaines, mois, années.. On ne les écoute plus beaucoup, voire pas du tout. Hein? Ou t’es ? Papaouté?
Cependant, ce dernier album de Stromae est bien partis pour déroger à cette règle. L’artiste a pris son temps (8 ans de silence) pour nous proposer un disque qu’on pourra archiver dans la bac « chanson à texte à l’écoute agréable ». Ou pourra même le ranger avec les vieux Brel qu’on écoute encore… ou pas.
Stromae – Multitude / date de sortie 12 mars 2022 (Polydor – Universal)
#FUNFACT: Stromae a déjà collaboré avec Charles Aznavour. et oui il fait des versions instrumentales pour Kery James avant de percer. Notamment le titre À l’ombre du show business feat Charles Aznavour.