Nicolas Folmer zoome sur l’Albertville Jazz Festival (interview)
Trompettiste insatiable et pointu, Nicolas Folmer est également artiste référent de l’Alberville Jazz Festival. A quelques jours de l’ouverture de la cinquième édition, ce natif du lieu nous éclaire sur le réseau SPEDIDAM, dont dépend le festival savoyard en pleine expansion.

Le réseau SPEDIDAM
MusiK Please : Le réseau SPEDIDAM regroupe désormais une quinzaine de festivals à travers la France. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nicolas Folmer : La SPEDIDAM est une société d’artistes qui gère la répartition des droits des artistes interprètes.
Ces redevances proviennent des lieux de sonorisation (lorsque vous prenez un café par exemple, le patron paie une taxe qui revient aux artistes et producteurs), de la rémunération équitable, et de la copie privée (lorsque vous acheter par exemple une clé USB).
25% des sommes collectées par la copie privée sont redistribuées sous forme d’aide aux spectacles vivants. C’est dans ce cadre que ces festivals sont créés autour d’une association locale génératrice et porteuse du projet. Appartenir au réseau SPEDIDAM exige le respect également d’un cahier des charges exigeant en matière d’accueil des artistes et de leur mise en relation avec leur public. Il permet de bénéficier de la compétence de professionnels du spectacle en matière d’organisation et de communication.

Cette fédération répond-elle au crédo l’union fait la force ?
Nicolas : Ce n’est pas une fédération mais un réseau qui effectivement met la complémentarité des énergies et des compétences au service de l’intérêt général et des artistes.
En termes de programmation, recherchez-vous une certaine cohérence entre les différents festivals du réseau SPEDIDAM ?
Nicolas : J’ai initié et contribué à la création de 4 festivals de jazz du réseau, je suis artiste référent de 3 (je tourne d’une année sur l’autre), la programmation est faite en collaboration avec un programmateur, Monsieur Arnaud Bel pour Albertville. Nous nous réunissons en commissions avec les autres festivals également. Sur les 14 festivals, plusieurs styles musicaux et esthétiques sont représentés, il y a des passerelles et une cohérence en matière d’exigence qualitative élevée.
Quel rôle assurez-vous exactement au sein de ce réseau ?
Nicolas : Je suis artiste référent, j’apporte mon expérience au service de l’intérêt général et du développement de ces projets. Mon activité de soliste et de compositeur m’a permis de faire le tour du monde et de jouer dans de nombreux festivals, de Tokyo à Sydney en passant par New York , Caracas, Marrakech ou Kinshasa… j’ai enregistré 19 albums en tant que soliste ou chef d’orchestre et environ 1200 titres comme artiste interprète. Mon activité de pédagogue me permet de contribuer au développement d’action au sein de chaque territoire.
J’ai pu acquérir une vision globale de nos métiers allant de celui d’artiste à la compréhension des contraintes organisationnelles ou de production.
Jouer de la musique et programmer des festivals sont-elles deux activités complémentaires ?
Nicolas : Connaître la musique, l’avoir étudiée en profondeur et continuer à le faire permet de ne pas céder à certaines sirènes, la notoriété n’a pas toujours de rapport avec le niveau artistique ou l’innovation par exemple.
Cela me permet également d’avoir conscience des impératifs économiques et de chercher le compromis idéal pour les artistes et leur public avec recul. L’accès à des formes d’expression variées et de haut niveau est une valeur essentielle.
L’Albertville Jazz Festival
Après Elina Duni et Youn Sun Nah en 2018, cette année la soirée féminine de l’Albertville Jazz Festival fait place à Line Kruse et Melody Gardot. D’où vient ce choix de dédier une soirée aux femmes ?
Nicolas Folmer : En tant qu’invité comme juré de concours, ou en master class dans le monde entier, et au CRR de Toulon ou j’enseigne, j’ai constaté depuis 25 ans que seules environs 5 à 8% de femmes ou de jeunes filles ou de petites filles s’intéressaient à cette musique et souhaitaient l’étudier. Sur ce faible pourcentage, l’immense majorité est composée de chanteuses.
Il est donc mathématiquement assez logique qu’une très faible proportion de femmes émerge au plus haut niveau. Certains mettent cela uniquement sur le compte du machisme, mais dans la musique classique la parité est plus représentée. Ce n’est donc pas un argument suffisant, même si il y a comme partout des hommes machistes dans notre milieu, hélas, et il faut bien sûr le combattre.
Il me semble que cette construction sociale ne peut évoluer que si l’on met des femmes artistes de jazz en relation avec le public afin que les générations futures intègrent qu’elles ont « le droit », elles aussi, et comme les garçons, d’improviser, de composer, de swinguer, et surtout de s’épanouir à travers ce mode d’expression artistique.
Consacrer une journée aux femmes permet d’attirer l’attention sur cette idée.

L’Albertville Jazz Festival fête cette année sa cinquième édition. À quelques semaine de son ouverture, quel bilan faites-vous ?
Nicolas : Ce projet a su trouver sa place et répondre à un besoin existant, celui de culture, de musique. Les albertvillois ont su s’approprier l’événement à en juger par la fréquentation croissante et le nombre de bénévoles. Ce n’est pas un événement passager, c’est un véritable projet de territoire. Cela démontre encore une fois que l’accès à la diversité en matière culturelle est un fondement nécessaire à l’épanouissement et à l’intérêt général de la cité. C’était aussi un rêve personnel ayant grandi à Albertville que d’y voir vivre un tel projet.

Succès oblige, les soirées du vendredi 26 et samedi 27 juillet affichent complet au Dôme Théâtre. Alors ne traînez pas à réserver pour les concerts des 24 et 25 !
Merci à Nicolas Folmer et Clothilde pour leur disponibilité et grande réactivité.