Notre rencontre avec Peter Peter au Cargo de nuit à Arles l’a confirmé : Le jeune québécois est bien dévoré par sa passion.Chaleureux et simple, Peter Peter est finalement assez éloigné de l’image que renvoient ses chansons.
Musik Please : – Pourquoi Peter Peter ? A cause de Duran Duran ?
Peter Peter : – Non, non, non (rires). Belle référence, par contre, c’est la première fois qu’on me la sort. Au début c’était mon prénom, mais j’ai voulu supprimer mon patronyme : Mon père n’était pas quelqu’un de très présent ce qui fait que j’en suis venu à doubler mon prénom parce que j’aimais la sonorité de Peter deux fois, au final une question de sonorité et puis comme créer une entité un peu à part pour les arts, tout simplement.
MP : – Comment organisez-vous votre vie entre la France et le Québec ?
Peter Peter : – Voilà un an que je ne suis plus au Québec, j’y suis juste retourné 2 fois à Noël et pour les Francofolies, mais j’habite Paris maintenant. Au départ pour des raisons professionnelles, mais maintenant un peu plus, par envie de poursuivre l’aventure ici. Cela faisait un moment que j’habitais Montréal et lorsque l’on reste 8 ans dans une ville, on ne ressent plus forcément la même urgence, la même passion. Du coup, à Paris, je vis encore la passion, la nouveauté, ce qui fait que ça me nourrit beaucoup. Et puis, je ne m’arrête pas à Paris non plus, dans le sens que je m’en vais écrire pour le troisième album, je pense peut-être aller à Lisbonne. J’ouvre vraiment les portes à un peu n’importe où : Hier je suis allé à Marseille pour la première fois et je me suis dit que ce pourrait être le genre de ville que je pourrais habiter. D’ici un mois environ, je vais décider où je passerai un ou deux mois pour écrire l’album. A Paris c’est sûr que beaucoup de choses s’y passent, comme toutes les grandes métropoles, mais j’en suis tombé amoureux. La France m’a vraiment bien accueilli, autant au travers de la radio que de la presse, je me suis senti le bienvenu . J’étais ici pour quatre mois au début, histoire de travailler pour l’album, puis je devais retourner chez moi, et puis au final ma présence a été requise parce que ça se développait bien, même si maintenant c’est par plaisir : C’est un peu le fantasme de l’exil que j’avais depuis des années, ce qui fait que quand j’ai eu un contrat de disque en France, je n’ai pas hésité.
MP : – Y a t-il des différences justement entre les publics Français et Québécois ?
Peter Peter : – Je ne sais pas. Au final, les gens qui viennent me voir au Québec ou en France sont des gens qui achètent les billets et qui savent à quoi s’attendre. J’ai l’impression que c’est le même genre de sensibilité : Chaque ville est différente au Québec et chaque ville est différente en France. On me disait que le public français était difficile alors que j’ai trouvé que c’était facile pour moi, cela s’est passé de façon très naturelle. Mon public au Québec a la même sensibilité : Ce sont des gens qui aiment les chansons fragiles, la mélancolie, des tons gris – noirs. C’est la même chose en fait.
MP : – Qu’est-ce que la célébrité a changé dans votre vie ?
Peter Peter : – J’espère que ce n’est pas moi en tout cas qui aie changé. Je pense que ce qui change le plus, c’est le fait de se questionner sur son art. Le truc que je veux préserver, c’est la passion. Ce dont j’ai peur parfois, c’est de devenir prisonnier de l’image dans laquelle je suis installé. Pour l’instant, c’est mon combat de tous les jours. Tu vois, là je vais faire un clip et j’ai décidé de faire un truc sans make-up, sans frime, me montrer pour de vrai. Et surtout, depuis que je suis en France, on dirait que j’ai forcé l’anti personnage, je n’ai pas envie d’avoir comme une recette, d’être prisonnier de tout cela.
MP : – Concernant l’aspect mélancolique de l’album, cela venait de votre humeur du moment ou bien de quelque chose de plus profond ?
Peter Peter : – J’ai fait deux albums, et mon premier est dans les mêmes tons, sauf qu’il était un peu plus culture low-fi, le second donne quelque chose de plus esthétique, de moins chaotique, mais les deux albums sont assez mélancoliques et je suis meilleur pour l’instant dans ces tons. Tu vois, c’est la première fois que l’on écrivait “dark pop” et j’ai trouvé que c’était la meilleure appellation, J’entends toujours des trucs comme pop électro…Non, je sais pas pourquoi, c’est quelque chose que je force pas la note, je ne vais pas me dire que je vais faire un album plus dark, c’est ce qui m’inspire. Les mélodies tendent vers ça aussi. J’écris beaucoup par écriture automatique, pas toute la chanson, mais les premiers mots que j’accroche au final c’est quelque chose que j’extirpe de l’inconscient, qui apparait, ensuite je fais des mélodies, ensuite il y a des mots qui apparaissent et qui parlent de ma vie en général, il y a toujours cette sincérité que j’essaie de mettre dans ces deux albums. Pourtant, je ne trouve pas que la vie soit une enfoirée avec moi, je trouve que ça va de mieux en mieux, mais j’ai toujours tendance à voir le côté obscur de tout. Je suis quelqu’un d’assez pessimiste, mais je pense que le prochain album sera moins sombre. Je parle plus maintenant de garder la passion. Aujourd’hui, j’ai un peu plus de recul, et parfois, je me pose la question “Vais-je perdre la passion ?”, “Est-ce que je vais donner autant que pour les deux premiers albums ?”. En fait, les deux premiers albums étaient assez mélancoliques, mais là je parle d’une certaine beauté, d’une certaine naïveté qu’il faut décider de garder pour ne pas devenir trop cynique. Mais le prochain album sera un peu moins morose, je pense.
MP : – On a du souvent vous comparer à Daniel Darc, non ?
Peter Peter : – Je ne le connais pas en fait ! J’ai fait quelques recherches et j’ai vu qu’il n’a pas eu la plus belle fin de vie, et puis ça a été un artiste maudit. Antoine Rault qui jouait des claviers pour moi, accompagnait Daniel pour ses dernières tournées. Il m’avait parlé de lui, mais sans faire la comparaison. Si je comprends bien le personnage, il jouait le poète maudit un peu. Tu vois, j’ai écrit une chanson dernièrement qui s’appelle la mauvaise réponse, parce que j’ai le sentiment de toujours me saboter dans la vie, de toujours répéter les mêmes erreurs, de faire les mauvais choix. J’ai toujours ces réflexes de paranoïa, d’imaginer que je suis seul dans mon monde et que personne ne peut me comprendre. Je suis fils unique aussi, ce qui fait que j’ai toujours eu ce problème avec la collectivité. Cela me fait penser à un personnage de roman, Arturo Bandini, d’un écrivain qui s’appelle John Fante, et qui fait toujours les mauvais choix. Après ça fait un peu prétentieux, tu ne peux pas t’autoproclamer poète maudit. De toute façon, je n’ai pas envie d’être maudit, je crois au bonheur quand même.
MP : – Vos paroles sont particulièrement abouties. Quelles sont vos références en la matière ?
Peter Peter : – Ce qui m’a forgé le plus avant de faire la musique, c’est écrire, écrire… Je n’étais pas un grand littéraire, mais je suis quelqu’un qui ressasse dans ma tête. J’ai réussi à approfondir mon monde intérieur, j’ai travaillé toute ma vie là-dessus, et du coup j’en ai une bonne maitrise.
MP : – Où en êtes-vous du nouvel album ?
Peter Peter : – Il est bien avancé. J’ai hâte aussi de prendre un peu de recul. Hier soir, c’était l’avant dernier concert de la tournée, on a commencé à faire un peu la fête. Pour moi, une version améliorée de la tristesse, c’est deux ans et demie de ma vie et là je passe à autre chose, j’en ai besoin. Une année sépare mes deux premiers albums, et là, deux ans et demi se sont écoulés, alors que mon troisième album n’est pas encore sorti. Une partie est déjà faite et je sais que l’autre va se mettre en place quand je vais me concentrer sur le sujet. C’est sûr qu’en ce moment, mon seul plan est de me donner avec passion pour le prochain album.
MP : – Va t-on entendre des nouveaux morceaux ce soir ?
Peter Peter : – Je vais sans doute jouer La mauvaise réponse, Little Shangri-La et puis aussi une chanson du premier album qu’on n’avait presque jamais joué et qu’on a réussi à faire avec ces musiciens. Je tourne avec des québécois, j’ai deux musiciens qui ne parlent pas le Français. Je crois que ce soir il va y avoir beaucoup d’émotion.
MP : – Depuis que vous êtes en France, écoutez-vous notre musique ?
Peter Peter : – Je n’en écoute pas vraiment (rires). Par contre, parfois je peux en faire un complexe. On me parle beaucoup de Daho, il faut que je m’y mette, Daniel Darc aussi. Benjamin Biolay, j’aime bien son monde, ce qu’il représente. Il fait un peu aussi poète maudit, je trouve que c’est un chouette type, il m’intrigue. Il y a plein de personnes sur qui je n’ai pas eu le temps de m’attarder. Cet hiver, ce que je veux faire, c’est écouter de la musique,
regarder des films et puis travailler à Lisbonne ou peut-être à Marseille. J’ai besoin de faire un break avec Paris, les loyers sont chers, et puis je suis quelqu’un d’assez anxieux, et à Paris je n’arrive pas à évacuer la pression. Quand j’étais à Lisbonne ou à Marseille, j’étais beaucoup plus relax.
MP : – Avez-vous quand même le temps d’écouter de la musique ?
Peter Peter : – Je suis allé voir Spoon la semaine dernière. C’est un groupe d’indie-rock qui existe depuis 93 et qui continue avec le temps à sortir de très bon albums. Je suis donc en train d’écouter tous leurs albums chronologiquement, car ils ont fait leur métamorphose sans tout changer. C’est mon coup de cœur du moment.