Portishead, oui j’ai bien dis PORTISHEAD s’est produit à Lyon (Nuits de Fourvière) ce 15 juillet 2014. Bilan contrasté; MusiK Please y était. LIVE REPORT :
Prenez un théâtre antique chargé d’histoire, archi-comble et teinté d’une météo estivale. Choisissez un groupe incontournable du courant trip hop rehaussé d’une première partie digne d’intérêt. Sublimez le tout d’un son clair et fluide. Vous obtiendrez alors un concert à l’efflorescence divine… enfin en théorie ! D’un point de vue pratique, en cette belle soirée du 15 juillet où l’incontournable festival des Nuits de Fourvière avait programmé une des rares dates de la tournée de Portishead, c’est surtout l’abîme que l’on a frôlé !
La soirée s’ouvre avec Thought Forms, un trio également originaire de Bristol. Si le groupe est méconnu, le choix ne s’avère pas surprenant pour autant dans la mesure où les deux formations sont proches : petits protégés de Geoff Barrow, c’est Jim Barr en personne qui produit et mixe « Ghost Moutain », leur second album. Affaire d’affinité et non de style puisque Thought Forms officie dans le post-rock. Le trio n’aurait d’ailleurs pas dépareillé en première partie de Mogwai qui jouait sur cette même scène une dizaine de jours plus tôt (report ici).
Dans une lignée directe, les anglais de Thought Forms se démarquent néanmoins de leurs grands frères écossais par l’approche constructive de leurs morceaux : là où Mogwai déploie sa musique sur des alternances tensions/accalmies parfois brutales, Thought Forms sillonne sur des reliefs moins accidentés souvent étayés de lignes de chants féminins et masculins. Entre (fausse) langueur et redondance rythmique, le trio instaure un certain climat oppressif dans lequel on se laisse volontiers happé. La longue introduction, « Burn Me Clean », constitue à elle seule une véritable invitation au voyage. Certes, la musique de Thought Forms nécessite un peu de maturité mais les amateurs du genre tout comme les auditeurs ouverts d’esprit ne seront pas restés indifférents à leur prestation. Un groupe à suivre.
Les balances nous rappellent que la ville de Bristol est à l’honneur ce soir avec une musique d’attente qui débute par quelques titres de Massive Attack, autre pierre angulaire du mouvement trip hop. Le public attend sagement et pourtant l’atmosphère se tend sensiblement : Portishead, c’est tout de même un événement en soi ! A 22 heures, les lumières s’éteignent et la formation se met en place. Les premières notes de « Silence » s’élèvent et c’est juste l’extase… tellement le son est limpide ! Puis Beth Gibbons commence à chanter et c’est juste l’effroi… tant sa voix est difficilement perceptible ! Même aux premiers rangs, le chant de l’anglaise, masqué par le son des instruments, est quasiment inaudible. Et peut-on imaginer Portishead sans sa Voix ?!! Mais plus inimaginable encore, les morceaux défilent sans que quiconque sur scène ne réagisse. Les spectateurs crient puis hurlent, font de grands signes explicitant de monter le volume mais rien n’y fait. Au-delà du problème technique, c’est sans doute l’attitude du groupe qui déroute le plus : il enchaîne ainsi 6 titres dans une totale indifférence, hermétique aux réactions de ses spectateurs dont certains finissent par siffler.
Et puis ô miracle, dans ce ciel d’obscur désarroi, une étoile se met subitement à briller ! « Wandering Star » retentit et l’inimitable voix de Beth Gibbons prend enfin sa juste dimension sonore. Interprétée dans une version dépouillée, la chanson est de toute beauté. Et surtout, elle relance un concert qui fonçait droit dans le mur. S’ensuit un « Machine Gun » plus (magnifiquement) glacial que jamais où le chant de Beth fait merveille. Comment une voix aussi froide peut-elle réchauffer le cœur ?
Perfectionnistes à l’extrême, les 6 musiciens de Portishead ne négligent aucun des détails électriques et électroniques qui font la subtilité de leur musique. Portishead maîtrise son art et déroule avec une facilité déconcertante leur show où la spontanéité et l‘échange avec le public ne semblent malheureusement pas avoir leur place.
En dépit de cette distance patente, on ne peut que frémir de la noirceur de « Cowboys » ou encore de l’intemporelle délicatesse de « Glory Box », chanson qui a désormais plus de 20 ans ! Le visuel sobre, mais néanmoins travaillé, renforce l’ambiance sombre et mélancolique de la prestation, ce qui ne la rend que plus captivante. Le set se conclut une première fois par un « Threads » à la complainte déchirante de Beth : « I’m always so unsure », lance-telle de sa voix désespérée et empreinte de toute la tristesse du monde (et peut-être plus encore).
Après un court rappel, le groupe quitte la scène avec la même indolence qu’il l’a investie. Et si les fâcheux incidents techniques du début sont oubliés, balayés par les moments de grâce, fatalement un certain litige émerge : artistiquement irréprochable, Portishead avait-il une âme ce soir ?
Chronique et Photo: Betty
Setlist du concert de Portishead à Lyon :
Silence
Nylon
Mysterons
The Rip
Sour Times
Magic Door
Wandering Star
Machine Gun
Over
Glory Box
Chase The Tear
Cowboys
Threads
Rappel :
Roads
We Carry On
21 juillet 2014 @ 11 h 24 min
Exactement le même sentiment lors de leur passage à Nimes en 2011. Je les retrouve deux fois cette année (route du rock et rock en seine), j’espère que ce sentiment changera. J’ai un peu plus d’espoir pour l’ambiance de la route du rock mais bon… Sans trop y croire (et c’est une FAN du groupe qui parle…)