Si les hirondelles font le printemps côté saison, les femmes ont fait celui de Bourges côté musique. Cette année, le Printemps de Bourges a mis les femmes à l’honneur !
Tout d’abord en soirée d’ouverture, avec le récital de Juliette Gréco au palais d’Auron.
Première soirée de ce Bourges 2015, mais aussi première soirée de la tournée d’adieux de Gréco. Pendant un peu plus d’une heure cette grande dame de la chanson française a revisité le répertoire de ses amis, tous disparus aujourd’hui déplore -t-elle.
Un grand moment d’émotions, qui poussera Juliette Gréco à écourter son spectacle. Sans gravité, ce petit malaise c’est “celui de la mémoire” nous dira-t-elle le lendemain. Et quand on lui parle des femmes artistes, notamment des jeunes talents qui vont se produire tout au long du printemps, elle se contente de dire :
“Je n’ai pas de conseil à donner, je ne sais pas faire. Mais il y a une chose à savoir : savoir dire non !“
Elle qui se dit encore et toujours pétrie de passion, nous aura donné tant de beaux spectacles à travers les années. Une femme d’un âge, mais une femme libre.
Le même soir sur la scène d’à côté : le W, on a pu aussi voir onduler les Brigitte, félines, à l’aise avec leur public, faire le show absolu. Elles ont dynamisé la soirée, avec leur interprétation hyper féminine, leur look “Brodway” : robes fendues en paillettes noires et perruques blondes Crazy Horse. Voix suaves et oeil de chatte, elles proposent leur nouvel album “À bouche que veux tu ?”, sans oublier de revenir sur les désormais classiques : “Battez vous” ou “Dans Ma Benz“. Une autre version de la femme, puisque dans la vie les Brigitte, Aurélie Saada et Sylvie Hoarau, sont des femmes modernes (maman, femmes, artistes, bref : Wonderwoman en sexy x 2).
Elles laissent la place chaude pour Selah Sue, interprète mondialement connue, suite à son succès en 2010, elle est propulsée sur les plus grandes scènes. Son style : décomplexé, elle incarne ses jeunes femmes simples, et naturelles. Elle propose avec les chansons de son nouvel album que le public semble déjà avoir adoptées. Selah Sur ouvre les bras, pousse un cri, et danse. Un transe tout en coolitude : génération à la cool.
Il y a eu aussi …
cette autre fille synthétique, cette autre Juliette sympathique, Juliette Armanet. Une fille qui parle d’amour en solitaire ? Une fille pop des années 80 et d’aujourd’hui. Encore en fleur, mais pas nunuche, elle propose des textes tranchants sur une musique biseautée. Sensible et touchante, Juliette Armanet semble coincée dans un rêve pop, sur lequel elle danse pour l’oublier. Une femme entre deux dimension, un peu paumée.
On a vu une panthère apprivoisée aussi : Tika Irie, la chanteuse de The Skints. Autre style mais toujours le charme, un peu insolente. Leur reggae bondissant apporte le soleil de Jamaïque sous le W, incarné en la personne de Tika. Une fille exotique, chamarrée.
Des femmes encore et encore dans ce Printemps de Bourges, avec celles qui se battent aussi sur la scène française dont NACH, Hindi Zahra ou encore Camelia Jordana !
Toute à leur façon véhicule la femme dans tout ses états, la femme à l’honneur sur scène. Comme la composition “Autour de Nina” qui réunissait de superbes artistes (dont quelques hommes) pour célébrer la carrière de l’immense diva : Nina Simone.
Autour de Nina : Camille, Lianne La Havas, Sandra Nkaké, Camelia Jordana, Hindi Zahra ou encore Yaël Naïm…
Toutes ont tellement su incarner l’oeuvre de Nina, mais sans dénaturer leur chant, en transposant les univers. Une multitudes de femmes en une.
Yaël Naïm en solo au W, aussi, jeune maman elle empoigne sa carrière différemment, chante plus fort, plus puissamment. Comme une chenille se muant en papillon, elle laisse exploser des couleurs qu’on ne lui connaissait pas au paravent.
Dans la fraicheur et l’innocence on a découvert aux inouïs la chanteuse de Carré-Court, et sa voix inattendue. Torturée et si douce. De celle si particulière qu’elle charme l’assistance. Son look rockabilly, ses cheveux crêpés comme Bardot, et son timbre éraillé. Le souffle radical, sexy de cette jeune femme sur la scène du 22 EST !
Et puis les muses rock’n roll comme Jeanne Added, qui électrise la salle en deux notes de guitare, tension immédiate, urgence de laisser sortir tout le dedans vers l’en dehors.
La présence de la charismatique chanteuse, ne peut laisser de marbre, son premier album est attendu et entendu donner pour être, comme son titre l’indique : sensationnel. (sortie le 1 juin, Be Sensational/Naïve)
L’intrigante et habitée chanteuse de MINUIT, digne héritière de Catherine Ringer (sa mère), qui nuance se voix, et ondule avec le charme d’un oiseau de paradis, ou le piquent d’un serpent à plume ? Ses longs cheveux sur les reins, elle aussi propose un univers noir et coloré à la fois, au son d’une pop déjantée. Déjà vu ? Oui, et alors ? Elle s’en moque, claque du talon et virevolte.
Et puis les “Big 3” pour finir ce festival déjà très riche en féminité de la chanson :
- – Le tsunami : Izia, dont la générosité sur scène et l’énergie ont plaqué au sol tout le parterre. La jeune femme s’est éloignée de la rageuse teenage biberonnée aux 70’s pour saisir sa carrière à bras le corps et retourner la tendance vers le pop-rock. Choix courageux, qui pour un début sonne vraiment bien. Sa vague est plus importante qu’il n’y parait… Attention à ceux qui ont le mal de mer.
- – La superbe : Olivia Merilahti, moitié féérique de The Dø, qui est arrivée sur scène sous une cape, comme venue d’un autre univers, pour en suite découvrir sa combinaison rouge sang, hyper disco sous une pluie de cheveux luminescents. Et c’est toute la salle qui bascule à la verticale sous les assaut énergiques de cette poupée pop !
- – L’inévitable Christine and the Queen, réussite de l’année 2014, et sur scène 2015 ? Omniprésente à la radio, télévision, et aussi sur le net et les festivals, la reine n’a pourtant pas jugé bon de se pencher vers nous pour un sourire. Tanpis, on posera nos questions à d’autre, mais on regarde quand même un peu, la dame qui se secouer avec énergie et rigueur flanquée de ses danseurs.
Un Printemps de Bourges riche en talents féminins, riche en femmes extraordinaires, un printemps où elles ont eu la part belle ! On peut être fière de cette programmation qui aura mis la gente féminine largement à l’honneur.
Marika D.
Photos : Olivier berthet (Gréco/Selah Sue) et Caroline Doutre. ©