Dans le cadre du festival Les Femmes S’en Mêlent, le Brise Glace d’Annecy accueillait Joy Angst, Aldous Harding et Shilpa Ray. Une soirée délicieusement chamarrée par ces trois personnalités féminines hautes en en couleurs. Live report.
Initié par un concert parisien en honneur de la journée de la femme, Les Femmes S’en Mêlent a depuis pris une ampleur nationale voire européenne puisque étoffée d’escales belges et suisses. Depuis bientôt 20 ans, ce festival cumule ainsi dates à la capitale et tournées provinciales, prenant soin de mélanger les genres. Un succès grandissant qui ne fait que souligner à sa juste valeur la générosité de la scène musicale féminine.
Joy Angst : La nostalgique radieuse
Vocation de « défricheur » oblige, l’étape annecienne des Femmes S’en Mêlent s’ouvre avec l’artiste locale Joy Angst. Grain de voix légèrement cassé, sourire radieux aux lèvres malgré la nostalgie empreinte de sa musique, la demoiselle offre une prestation rayonnant du charme de sa simplicité.
Sur scène, Joy ouvre les portes d’un univers rock tapissé de langueur mélancolique. « Alors pourquoi moi le soir je pleure ? » s’interroge-t-elle sur le touchant « Le noir ça ne fait pas peur ». La basse épaisse affaiblit parfois la voix mais il ne manque que peu de chose pour affirmer la qualité palpable des compositions. Ce que Joy Angst prouvera joliment avec « Angst », versatile conclusion entre douceur tristounette et incursions rauques.
Aldous Harding : La voix rêvée des anges
« Just me and my guitar »
Un tabouret, un verre de coca et sa guitare, Aldous Harding n’a pas besoin de plus. A l’image de la folk épurée de son magnifique premier album (chroniqué ici), la songwriteuse néo-zélandaise cultive l’intimité de sa musique.
Ses doigts ont beau être un peu (trop) crispés sur les cordes, on ne peut que lui pardonner ce qui deviendrait presque un « détail ». Parce que déjà Aldous est (très) drôle. Imitant par exemple les oiseaux australiens avec un naturel désarmant. Et puis surtout au-delà de ses pitreries, sa voix emmène très loin. En live, son timbre cristallin prend toute sa dimension, assénant en plein cœur l’irradiante sensibilité de ses compositions. Peu importe les imperfections, il émane de la prestation d’Aldous Harding une certaine pureté. Et entre deux frissons, on ne peut que prier pour que cette aura précieuse résiste à l’épreuve du temps.
Shilpa Ray : L’impétueusement soul
« One of the most phenomenal things I’ve seen in a long time »
Ce compliment de Nick Cave en dit long sur Shilpa Ray. Peu connue dans nos contrées, la new-yorkaise a déjà assuré quelques premières parties du dandy australien. Mais aujourd’hui c’est en tête d’affiche qu’elle fait les présentations avec son harmonium.
Si son instrument fétiche instaure un climat plutôt studieux au premier abord, Shilpa rappelle très vite que sa voix soul cohabite avec un esprit rock bien trempé. Montés sur ressort, ses 3 musiciens insufflent une magnitude rythmique qui pourrait paraître disproportionnée au regard de ce petit bout de femme. Et pourtant il faut bien cela pour contrebalancer les bouillonnements vocaux de cette chanteuse viscérale. Qui n’hésite pas une seconde à sermonner (à juste titre) celles et ceux du public discutant pendant sa prestation.
Le concert ne manque donc pas d’entrain et certains titres tels le single « Nocturnal Emissions » déploient une réelle envergure sur scène. Néanmoins sur la durée la formule se révèle linéaire, au point de devenir un brin répétitive. Au final Shilpa Ray aura délivré le set le plus énergique de la soirée, mais le plus inégal aussi.
Les femmes nous auront offert un beau moment au Brise Glace. Jouant leur musique sans fioritures, simplement avec cœur. Et puis aussi avec cette grâce sans artifice qui nous fait regretter qu’elles ne s’en mêlent pas plus souvent…