Le rock conscient de Thurston Moore
Thurston Moore, l’ancien leader de Sonic Youth publie « Rock’n’Roll Consciousness » un nouvel album solo de rock à guitares précis et mélodieux.
Pour en avoir écrit la grammaire depuis le début des années 80 avec Sonic Youth, Thurston Moore se place à près de 60 ans en icône indie rock intouchable. Un rôle un peu inédit et mérité. Que pourrait-on vraiment reprocher au grand échalas américain dont l’intégrité artistique n’a jamais véritablement été mise à mal ? Entre les débuts sauvages no wave de sa « jeunesse sonique » au succès commercial (toutes proportions gardées) des années 90 jusqu’aux expérimentations nombreuses et variées en groupe ou en solo, Moore et sa bande ont eu une importance majeure, unique, dans tout ce que le rock a pu avoir d’indomptable et d’audacieux ces trente dernières années.
En solitaire depuis 2011 et sa séparation avec Kim Gordon entraînant mécaniquement la fin de Sonic Youth, il présente aujourd’hui son « Rock’n’Roll Consciousness », successeur de « The Best Day » (2014). Et, avec son CV, l’américain peut se permettre un peu ce qu’il veut. Soit un album de 5 titres allant d’une durée de 6 à 12 minutes en grande majorité instrumentaux. Accompagné du lieutenant Steve Shelley à la batterie et, avec beaucoup de goût, par Debbie Googe (My Bloody Valentine) à la basse, il a aussi osé s’adjoindre les services du producteur d’Adèle (Paul Epworth) et de faire mixer le disque par Randall Dunn, habitué de Sunn O))).
https://youtu.be/m-1lGHYhHIk
Si l’indigestion pouvait être à craindre et que ça frôle parfois le « classic rock » pour daron indie, le néo Londonien livre pourtant son meilleur album depuis le très beau « Demolished Thoughts » (2011). Fini l’acoustique et le kraut, Moore donne une importance majeure à la guitare rappelant souvent les aînés de Télévision dans ces assemblages complexes tout en gardant la dissonance dont il a fait sa marque de fabrique.
Le grandiose « Exalted » qui ouvre le disque en est l’illustration la plus réussie. Envolée épique de près de 12 minutes ramenant au meilleur de Sonic Youth entre passages calmes « velvetiens » et ultraviolents avant d’être portée au bout de 8 minutes de fracas par cette voix d’adolescent surgissant du chaos.
Le frénétique « Cusp », le quasi post-rock « Turn On » à la composition complexe ou le très Sonic Youth (lui aussi) « Aphrodite » font montre d’une grande maîtrise. Il n’y a finalement qu’avec « Smoke Of Dreams » que le grand Thurston rappelle son âge. Folk électrique assez plat sorti en single dont la guitare devient pour le coup vite ennuyeuse voire gênante par ses étalages techniques. Pas de quoi pour autant gâcher le beau disque d’un artiste géant qui n’a plus grand-chose à prouver à grand monde si ce n’est de maintenir la flamme.