Une basse, une batterie pour uniques armes dans la conquête de la planète rock, c’est ridicule n’est-ce pas ?
Les anglais de Royal Blood sont deux : Mike Kerr chante et prend sa quatre cordes pour une guitare tandis que Ben Thatcher cogne ses fûts comme si sa vie en dépendait. Leur premier disque vient tout juste de sortir. Un conseil, écoutez-le. Et le ridicule… on en reparle après !
Une poignée de singles irrésistibles et jouissifs, des prestations live dont l’intensité semble mettre tout le monde d’accord (et à genoux !), depuis quelques mois Royal Blood crée un buzz explosif. Et ce n’est certainement pas cet album éponyme qui risque de désamorcer la bombe ! D’ailleurs les hostilités débutent avec un détonateur, « Out Of The Black », le single qui révéla le duo et placé ici judicieusement en ouverture. Sa rythmique hachée et écrasante à souhait propulse immédiatement sur le champ de bataille.
https://www.youtube.com/watch?v=-_3mNCaJgNM
S’enchaîne en apnée un « Come On Over » laissant envoler définitivement toute velléité d’un quelconque armistice. Lignes de basse nerveuses, batterie déflagrante et martiale, l’atypique tandem fonctionne à merveille et envoie exclusivement du gros braquet !
Si sa formule est originale, Royal Blood n’en renie pas ses influences pour autant. Parmi les ombres les plus manifestes, planent notamment celles de Josh Homme et ses consorts de Queens Of The Stone Age (« You Can Be So Cruel ») ou encore d’un certain Jack White (« Loose Change », « Careless »). Mais les petits jeunes possèdent tout le talent nécessaire, et surtout l’aplomb, pour se démarquer irrévérencieusement de leurs illustres aînés. Ils ont produit leur disque, généré leur propre son. En utilisant sa basse telle une guitare, Mike développe un jeu inédit, d’une vivacité rageuse. Son chant n’est pas en reste, parfaitement en place au milieu de l’artillerie sonore dont il en contrebalance même le côté mécanique et froid par l’empreinte organique de sa voix. Ben est tout aussi impressionnant derrière sa batterie. En marge de sa frappe sèche et puissante, il fait preuve d’une diversité technique remarquable. Les seules 2 minutes 35 secondes de « Loose Change » offrent un aperçu de la complexité de sa maîtrise, qu’il s’agisse des innombrables subtilités qu’il apporte au morceau ou de l’impulsivité avec laquelle il y imprime un point de rupture.
Au-delà de son énergie brute, de son groove fracassant, la musique de Royal Blood bouillonne d’une sorte de spontanéité ardente qui rend le duo intouchable pendant un peu moins de 33 minutes. Les 10 morceaux sont livrés sans aucun détour ni calcul et les anglais dominent leur sujet à un point tel qu’ils en rendent ridicule elle-même la question liminaire du ridicule : il est évident que Ben et Mike n’ont besoin de personne d’autre pour conquérir leur monde. Leur complicité et leur instrument se suffisent à eux-mêmes.
Au final la seule vraie question concerne l’avenir, quant à savoir si « Royal Blood » n’est qu’un coup d’éclat aussi brillant qu’éphémère ou la déconcertante ébauche d’une carrière très prometteuse. Dans la seconde éventualité (qui présentement reste une éventualité), il se pourrait fort bien que la veine rock voit couler un jour en elle ni plus ni moins que du sang royal.
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