Sarh est une ville située au sud du Tchad, en bordure du fleuve Chari. Ce nom est également celui porté par un duo français plutôt inattendu, dont le premier album éponyme est sorti en juin dernier. A priori, aucun rapport ! Et pourtant aux esprits de nature vagabonde pour qui l’évocation des étendues désertiques d’Afrique centrale prête au rêve, la musique de Sarh offre justement l’opportunité de voyager loin, très loin…
Indice de satisfaction : 82%
D’un côté DJ Pone, turntablist hors pair baigné d’une culture hip-hop, qui fut notamment membre du collectif Birdy Nam Nam. De l’autre, José Reis Fontao, chanteur-guitariste du groupe rock Stuck In The Sound. La nette disparité des univers des deux musiciens n’a en rien bridé leur envie de mêler leur talent en un projet commun. De cette fusion sans à priori point un nouvel horizon, chimérique et aérien, d’où perce la première délectation procurée par Sarh, celle de faire abstraction des étiquettes et autres formatages.
Dès son ouverture, l’album dénote une maturité flagrante. Particulièrement bien produite, la musique du duo est travaillée mais pas surchargée. La lenteur, parfois le silence, ont leur place. Cette approche contemplative ne fait que renforcer l’empreinte posée voire mystérieuse de Sarh. « Urquinaona » démarre ainsi sur un léger bruissement synthétique dont émerge une boucle nonchalante de quelques beats en guise de rythmique constellée. José pose alors une voix en totale adéquation avec le décor sonore raffiné que plante son complice DJ. La tonalité de son chant tout en nuances comme les lignes vocales s’harmonisent idéalement à la musique.
Tel que laisse évoquer son appellation, « Sarh » tisse en outre un authentique climat ethnique. Le morceau « Blind » débute par exemple sur quelques notes de balafon alors que « Sailing With Lost Souls » se chamarre d’une résonance récurrente de cet instrument d’un autre monde que DJ Pone vient progressivement submerger de ses textures électroniques.
« Welcome To Sarh » porte quant à lui on ne peut mieux son nom avec son développement tribal qui s’étire jusqu’à en donner l’agréable sentiment d’être perdu dans la fameuse cité tchadienne. « Sipping all night/I waste my time/Crawling on the floor/I’m drowning »… entre douceur de la voix et détresse des paroles, José exprime une sorte de chaos spirituel dont la musique en serait la bande-son. Un titre remarquable.
Loin des styles respectifs dans lesquels les deux artistes avaient évolué jusqu’à présent, leur musique s’émaille d’un certain envoûtement new-wave. Ne serait-ce que par la pochette du disque à l’esthétique sombre et romantique. Son étroite similitude avec celle du légendaire « Power, Corruption & Lies » de New Order se révèle d’ailleurs assez frappante. Cependant la structure originale de ses chansons confère à Sarh une entité propre, tant sonore que visuelle. Une atmosphère mélodique, initiatique, dans laquelle on laisse volontiers flotter l’écoute au gré de son imagination. A vous de découvrir où la musique de Sarh mènera la vôtre !