En ce dernier vendredi du mois de janvier, Sólstafir faisait escale au CCO de Villeurbanne.
Empreints de la quintessence de leurs racines scandinaves, les islandais ont délivré une prestation de feu et de glace. Live Report.
Fort d’un large spectre à la croisée de Motörhead, Muse et Mogwai (pour reprendre les références du magazine allemand Rock Hard), Sólstafir a attiré dans la salle lyonnaise un public plutôt hétéroclite. Un éclectisme qui prévaut également pour les deux premières parties. A commencer par Nordic Giants, duo anglais officiant dans un post-rock à forte teneur visuelle. Deux écrans diffusent des courts-métrages que la formation accompagne de sa musique contemplative et essentiellement instrumentale. Le batteur alterne percussions avec séquences de guitare jouée à l’archet tandis que son acolyte troque son clavier pour quelques interludes de trompette. Un résultat original et intéressant bien que la crédibilité pâtisse de l’accumulation de clichés pas toujours de très bons goûts (tenues de scène par exemple). Nordic Giants sort son premier album début avril, à suivre donc.
Les festivités se poursuivent ensuite avec les français de Radium Valley, dans une ambiance elle aussi très conceptuelle. Décor de désolation apocalyptique, fumée épaisse, masque à gaz pour chacun des membres du groupe… l’optimisme n’est manifestement pas à l’ordre du jour ! Un instrumental heavy à souhait retentit avant que le chanteur ne vienne poser sa voix grave pour décrire la noirceur des compositions. En dépit de cette mise en scène travaillée, le groupe ne parait pas particulièrement croire à ce qu’il fait. Et dénuée de foi, la prestation s’essouffle rapidement. Dommage.
Sólstafir a beau être la tête d’affiche de la soirée, la scène ne s’en trouve pas moins totalement dépouillée lorsque la troupe débarque. Une logique qui prend tout son sens dès le début du set : les islandais sont là pour jouer… et ils jouent ! A quoi bon les artifices pour balancer le riff sauvage et noir de « Köld » ? Même lorsque l’atmosphère du morceau se tempère, difficile de se focaliser ailleurs que sur ce groupe dont la signification du nom, « rayons crépusculaires », si elle prête en premier lieu à sourire, n’a finalement rien d’anodine. La musique de Sólstafir rayonne en effet de par les directions exaltées qu’elle emprunte en toute immunité, telle une oscillation entre rage et apaisement, colère et mélancolie. Un amalgame de vie en somme.
Petite pointe de déception de la soirée, ce n’est pas Guðmundur Óli Pálmason qui sévit derrière les fûts. Son remplaçant est plus discret et moins démonstratif certes, mais dans la lourdeur comme dans la finesse de ce déploiement rythmique complexe le batteur assure. Fidèle à lui-même ainsi qu’à ses interminables nattes, Svavar Austmann demeure imperturbable dans son jeu de basse très relâché, capable d’appuyer ses lignes le plus naturellement du monde sur un final aussi déchaîné que celui de « Goddess Of The Ages ». Quant à Sæþór Maríus Sæþórsson, chapeau vissé sur la tête tel un cow-boy solitaire, il ferait un carnage s’il dégainait son colt avec la même dextérité méditative dont il a recours pour le maniement de sa six cordes.
Et puis bien sûr, il y a Aðalbjörn Tryggvason, un roman à lui tout seul. Bouillonnant de son chant islandais sur « Svartir Sanda », appliqué sur la longue introduction à la guitare de « Djákninn ». Empli de cet humour typiquement nordique et toujours prêt à user de son charme, le frontman effectue avec solennité (et en pleine chanson) un baisemain à une demoiselle du premier rang, puis demande un peu plus tard à une prénommée Lucy la traduction française du titre « Black Sand » (« Svartir Sanda » en islandais). Pas besoin d’effets spéciaux pour garantir le show !
D’une résonnance trop mate pour refléter la rugosité du groupe, la qualité sonore live permet néanmoins de retranscrire assez fidèlement cette musique aussi imprévisible qu’indescriptible. Pour vous faire une idée, imaginez peut-être la part la plus impétueuse de Wovenhand, le dogmatisme en moins. Songez à une bande de vikings faisant preuve de retenue (« Fjara ») ou à la lente et douloureuse montée musicale qu’elle peut infliger à partir d’un air de banjo (« Ótta »). Pensez aussi à la BO qui accompagnerait une immersion sur cette île subarctique, figée de glace comme suintant de vapeur volcanique (« Lágnætti »).
Passionnante oui, mais pas vraiment de tout repos la musique de Sólstafir. Avec ses morceaux qui atteignent (voire dépassent) souvent la dizaine de minutes, il faut de la persévérance (et pas mal de second degré) pour se l’approprier. Une sorte de rock trip en Islande, ce pays réputé pour voir défiler les quatre saisons en une seule journée. Et c’est un peu cela un concert de Sólstafir, les quatre saisons dans la même soirée.
Setlist deSólstafir (sous réserve):
– Köld
– Lágnætti
– Rismál
– Djákninn
– Dagmál
– Náttmál
– Miðdegi
– Ótta
– Svartir Sanda
Rappel :
– Fjara
– Goddess Of The Ages