Après six ans d’absence, Spiritualized revient avec “And Nothing Hurt”, un huitième album en forme de parfaite synthèse.
La sortie d’un nouveau Spiritualized tient toujours du petit miracle. Malgré la drogue et la maladie, le dépit amoureux ou les soucis financiers, Jason Pierce conduit encore depuis près de 30 ans son vaisseau-mère en solo. Bâti sur les cendres du légendaire duo narco-électrique Spacemen 3 (qu’il formait avec Sonic Boom et parti en fumée pour incompatibilité d’humeur au début des années 90), Spiritualized est à l’image de son créateur : flamboyant comme dépressif, décharné comme d’une richesse folle. Un projet devenu un nom qui compte depuis 1997 et le totem “Ladies And Gentleman We Are Floating In Space” sorti en pleine folie Brit-Pop. Soit l’album qui a véritablement posé les bases du son quasi-religieux et spatial de Jason “Spaceman” Pierce : un rock gorgé de blues, de soul, de gospel ou de Kraut au psychédélisme toxique et raffiné oscillant entre titres rageurs et longues ballades déprimées et majestueuses.
Six ans après l’impeccable “Sweet Heart Sweet Light” (2012) et à 50 ans passés, l’Anglais a pris son temps. Faute de moyens mais visiblement plus apaisé, il a élaboré “And Nothing Hurt” tout seul dans son appartement de l’Est de Londres en jouant de quasiment tous les instruments et à l’aide d’un PC portable.
“Album-somme”
Du télétravail de qualité tant les arrangements arrivent à rester justes et riches pour ce qui a des allures “d’album-somme” de la carrière du cosmonaute tourmenté. Il y a ici un peu de tout ce qui a fait le succès du projet ; un disque très laid-back composé de ce qui ressemble à “des derniers morceaux d’albums” comme il l’a reconnu en interview avec ces “chansons-fusées” qui s’étirent en longueur, enrobées de couches successives et de sa voix abîmée jusqu’à l’envolée finale. Et si l’ouverture “A Perfect Miracle” renvoie directement au titre phare d’il y a 20 ans “Ladies And Gentleman…”, l’électricité n’est pas en reste avec les remuants “On The Sunshine” ou “The Morning After” qui vont jusqu’à se frotter au Free-Jazz.
De douces comptines plus ou moins tristes (“Damaged”, “Let’s Dance”) se mêlent à un classicisme pop de haute facture (“Here It Comes (The Road) Let’s Go”, “The Prize”) rappelant même les Beatles fin de règne (“I’m Your Man”).
Les bruits de sondes spatiales qui terminent la si belle conclusion “Sail On Trough” pourraient alors venir corroborer les propos de Pierce qui a un temps laisser entendre qu’il s’agirait du dernier album de Spiritualized. S’il s’est définitivement perdu dans l’espace, ce serait un parfait testament.