Supernormal [INTERVIEW]
Dans le sillon de Noir désir et surtout de Gamine, Bordeaux nous offre de nouveau une formation à ne pas manquer : SUPERNORMAL Adepte d’une power pop à la fois sur vitaminée et mélancolique, le groupe mélange avec bonheur des influences françaises (Phoenix, Gamine), anglaises ( The Smiths, The Stone Roses) et américaines (Nada Surf).
Musikplease a rencontré Cécil et Fandor, les 2 leaders de Supernormal, qui nous ont parlé de leur nouvel album : 1989.
– Comment a débuté votre collaboration ?
Cecil : Supernormal a débuté en 2006 en tant que trio avec Mat (Batterie), Ben (basse) et moi guitare %2B chant. On a été très prolifique avec 3 ep autoproduits de 4 titres en 18 mois. Mais ça partait un peu dans tous les sens et cela manquait de direction artistique. Et puis c’était un peu compliqué de tout gérer tout seul sur scène (parties et sons de guitares, paroles pour le chant, etc …) et on a décidé tous les trois qu’il nous fallait un chanteur. On avait fait un ou deux concerts où nous partagions l’affiche avec Fandor (qui jouait tout seul à l’époque) et c’est Ben qui a proposé cette idée. Je n’y avais pas pensé et cela m’a tout de suite semblé une évidence.
Laurent : Cecil et moi sommes de la même génération et avons beaucoup de goûts musicaux en commun ! La différence entre nous c’est que Cecil est musclé et pas moi… Pou info les membres de SUPERNORMAL ont même participé à l’enregistrement de mon album solo de Fàndor de 2011 « Mon corps est une machine » !
– La plupart des titres sont signés par Cécil, comment s’élabore le processus créatif ?
Laurent : En fait SUPERNORMAL est avant tout le groupe de Cecil ! C’est lui qui l’a monté et c’est lui qui compose et écrit presque tout ! Pour SUPERNORMAL j’ajoute sur certains titres ma touche mélodique et je joue un peu de guitare et claviers, je fais parfois des textes stupides comme celui de Natural born Jésus ! Parfois même je donne un morceau de mon propre répertoire comme « Lula »…
Cecil : La plupart du temps, je compose seul. Je joue de la guitare, trouve une suite d’accords et puis vient une mélodie. Je bosse le morceau en boucle, ça devient quasiment obsessionnel. Du coup je suis un peu directif. Lorsque cela me convient, j’en fais une démo et l’envoie au groupe. Laurent apporte des idées d’arrangements et d’harmonies vocales, domaine dans lequel il excelle.
Laurent : Parfois on élabore des titres avec tous les membres du groupe comme « Rising » qui est une idée du guitariste Francois et puis Mat le batteur et Ben le bassiste ont apporté leur touche, Cecil a structuré et arrangé, j’ai fait le texte et la mélodie très « Surf » en m’inspirant des images qui me venaient quand j’ai écouté le riff crépusculaire de François ! Une vraie collaboration quoi !
Cecil : Et il y a les titres que nous avons enregistré sans jamais les jouer en public, les titres que j’écris pour « faire l’album » : 1989, Le Lendemain ou Anna Says,… Fandor se met complètement à la disposition des chansons, il se les approprie complètement, il ne chante jamais du bout des lèvres. Great Slackers, St Tropez ou 1989 en sont des preuves éclatantes : on sent à travers son travail sur les harmonies qu’il s’investit à fond dans la chanson tout en respectant l’esprit. Pour moi c’est juste dead cool.
– Le disque est autoproduit, pourtant la production est très soignée, quel est votre secret ?
Cecil : Merci ça fait plaisir ! Il faut des musiciens talentueux, de bons instruments, des amplis à lampes et beaucoup de travail ! On a la chance d’avoir une batterie électronique pour le studio – ça sonne plus froid mais pour les enregistrements cela fait gagner beaucoup de temps et permet d’avoir des enregistrements propres sans être un pro du son. Et ensuite, il faut beaucoup de travail … J’ai dû passer au moins 500 heures de travail sur 1989. Il y a une dimension technique (cf ce long article technique sur le sujet sur notre Tumblr) et une dimension artistique. Pour ce qui est de la seconde, Laurent et moi enregistrons de la musique depuis plus de 20 ans et on sait tout de suite identifier ce qui ne va pas dans un mix. Enfin on fait des choix tranchés qu’il est parfois difficile de faire dans des studios avec des pros : une voix très « dans le mix », une basse très en avant, beaucoup de compression sur basse/batterie, très peu de réverb’ pour conserver du tranchant, de nombreuses couches de guitares et de synthés, de nombreuses voix pour les harmonies …
– Sur vos premiers EP, il y avait beaucoup de titres « a la façon de » (The Smiths, Red House Painters, The Stone Roses). Cette fois vos influences sont plus assimilées. Etes-vous d’accord avec cette analyse ?
Laurent : Phoenix est aussi une l’influence ! La pop indie des années 90 ! 1989 est plus personnel avec le titre comme 1989 ! Ce cd est plus un album avec un début, un milieu et une fin !
Cecil : C’est un point de vue intéressant…. En fait pour 1989, je voulais faire un 6 titres mais Fandor m’a vraiment poussé à en faire un album avec une vraie cohésion. Cette vision d’un album à la fois pêchu, mélancolique avec toujours cette tension dans la structure des morceaux, tension qui est notre marque de fabrique. Du coup peut-être que ces influences ce sont alors fondues derrière cet objectif, je ne sais pas. Sternfest est une compilation de trois EPs et c’est vrai qu’il peut sembler moins cohérent, et que la particularité de certains titres peut ressortir avec davantage de contraste. En même temps Born Cynical fait quand même très, très Oasis …
– Le son de vos chansons semble s’être durci avec cet album…
Laurent : Plus varié il est ! Certains titres font la part belle aux guitares comme « Great slackers »… Il y a moins de ballades sauf le titre ultime « Le lendemain » qui lorgne du côté de Air…
Cecil : C’est probablement dû au jeu de François et aux morceaux que l’on a composé à partir de ses riffs (Natural Born Jesus et Rising). Il à une culture musicale beacoup plus tournée sur le rock garage : White Stripes, Kills, Strokes ou Black Keys, et cela a sans doute contribué a donner un son plus dur. Il y a aussi le son de la rythmique basse / batterie qui, c’est vrai, est très compressé et plus percutant qu’avant. Ceci-dit, dans mon groupe du début des 90s (Les Jours Heureux) on faisait de la noisy avec des murs de guitares à la Ride ou My Bloody Valentine et j’ai le sentiment que le son est beaucoup plus doux qu’alors.
– L’anglais a-t-il définitivement pris le pas sur le français pour vos textes ?
Cecil : Les textes sont un vrai problème. Et les faire en anglais est tellement plus simple car il y a beaucoup moins d’enjeu au niveau du sens. J’aimerais beaucoup en écrire plus en français. Je suis fan de Dominique A (je donnerais une de mes guitares pour écrire un texte comme Le Sens ou Immortels), ou de François & The Atlas Mountains (Soyons les plus Beaux : quel panache !). L’effet que leurs textes en français produit, cela ne peut se faire en anglais. Mais c’est plus risqué : cela devient vite ampoulé ou maladroit. Le Lendemain ou Une Journée Américaine sont des textes que j’avais écrit dans les 90s pour Les Jours Heureux : je suis tellement désoeuvré sur le sujet que j’emprunte dans mon back catalog (rires). Disons que l’importance prise par les textes en anglais est plutôt une preuve de mon manque de travail sur le sujet.
Laurent : Difficile de répondre ! Ça dépend de l’ambiance du titre… Comme les Little Rabbits ou Gamine on aime mélanger les 2 langues…
– De quelle chanson êtes-vous le plus fier sur 1989 ?
Laurent : J’adore « Great Slackers » et l’enchevêtrement des voix à la fin du titre ! Et toi Cecil ?
Cecil : Ben en fait, il y en a pas mal (rires). J’aime beaucoup St Tropez car j’ai perdu tous les enregistrements de la première version durant l’été 2012 alors que je bidouillais le mix. Il a fallu tout refaire, j’étais désespéré mais au final le résultat est meilleur que l’initial. Great Slackers aussi … le travail sur les harmonies à la fin est au-delà de mes espérances. Et 1989 car là encore l’énergie de Laurent et son talent mélodique a permis de réussir quelque chose de singulier pour nous, qui peut évoquer la grande variété 70s, sur la fin du morceau avec les arrangements. Enfin et surtout Natural Born Jesus parce que c’est un morceau de tout le groupe : le riff de François, le beat énorme, le plan de basse, les textes de Laurent, et le titre a été trouvé par Ben.
– Quelles sont vos aspirations pour 1989 et quels sont vos projets ?
Cecil : Finir le clip de Natural Born Jesus avec notre pote Fabien de Krakage Prod avec qui nous avons déjà réalisé Would I Be That Stupid en 2011. On aimerait aussi que ce disque nous aide à obtenir plus de concerts et pourquoi pas quelques festivals. Depuis ces dix dernières années et la mouvance Teenage Rock Scene, on fait un peu has been et c’est plus difficile d’obtenir des dates. Au-delà de la profonde satisfaction qu’ils nous procurent dans le simple fait d’exister en tant qu’objets, Sternfest Hit-Parade et 1989 sont là pour nous servir de carte de visite, de Sésame pour obtenir plus de concerts devant plus de monde. On va aussi se consacrer un peu plus au projet Fandor car Supernormal nous a pris beaucoup de temps et d’énergie ces deux dernières années. Je sais que Laurent aimerait faire un nouvel album.
Laurent : Une tournée mondiale ! Un clip pour « Natural borm jesus »… Des concerts, et continuer à enregistrer des titres, plus sombres peut être…
Michel Ribes.