A l’heure où les sophistications vont bon train, Kira Skov et Marie Kisker désertent la civilisation et opèrent un retour aux sources avec « The Cabin Project », disque d’une beauté simple et authentique.
Oublier l’étreinte du monde et se laisser porter par les inspirations primaires de la nature, telle est la démarche initiatique de Kira Skov et Marie Kisker. Ces deux artistes danoises ont opté pour l’immersion au fin fond de la forêt canadienne, enregistrant dans une cabane un premier album éponyme, logiquement intitulé « The Cabin Project ». Accompagnées par Mark Howard (sollicité notamment par Lisa Germano, Tom Waits, Marianne Faithfull…) pour la production, les deux demoiselles vont jusqu’au bout de leur quête de spontanéité en enregistrant leur opus live, en 9 jours seulement.
Introduction idéale, « Come Rain » berce de sa fluidité soyeuse et délicieusement tamisée de cordes. La manière perceptible avec laquelle les deux vocalistes reprennent leur souffle entre les paroles crée une sorte d’intimité chaleureuse. La chanson semble être susurrée à l’oreille, une impression d’ailleurs fort bien illustrée par le clip dédié :
Les voix enveloppent ou plutôt LA voix enveloppe puisque Kira et Marie fusionnent leur chant de façon continuelle et avec une telle symbiose que les deux lignes vocales n’en forment plus qu’une seule, précieuse et empathique. « The Cabin Project » plonge dans un apaisement communicatif de par la douceur mais également l’inertie de ses compositions. La rythmique ralentie de « First Time Ever I Saw Your Face » délaye ainsi le temps, permettant de mieux en absorber la délicatesse distillée. Le morceau « Oxygen » porte quant à lui on ne peut mieux son nom tant l’atmosphère tissée autour de son battement diaphane respire et laisse respirer.
La méticulosité du travail accompli par Mark Howard est remarquable. Derrière cette façade folk rock dépouillée, le fil des écoutes dévoile un véritable peaufinage de détails, par exemple une pointe de réverbération sur le chant (« Come Rain », « Johnny Guitar ») ou encore un chœur féminin d’une délectable discrétion (« My Bride »). Et puis il y a ces touches inattendues comme le saxophone improbable et tourmenté qui vient assombrir le texte désespéré d’« Orgelsten ». Un titre dont la version captée lors d’une session au Village Recording Studio flotte quelque part dans l’éther :
« The Cabin Project » éblouit probablement par le caractère instinctif de son interprétation. Une authenticité qui permet au duo féminin de s’offrir la reprise de « Johnny Guitar » (titre éponyme de la BO du western des années 50) sans bafouer l’âme de cette pépite, en la magnifiant au contraire d’une modernité sobre. On peut se permettre beaucoup de choses lorsque l’on y met le cœur…
« The Cabin Project » est beau mais exige du temps, nécessite de l’attention. Kira Skov et Marie Kisker ne charmeront donc certainement pas celles et ceux qui sont pressés. Mais peu importe puisque elles peuvent avant tout être fières de ce disque rayonnant d’une aura brute et sincère que l’on aimerait tellement rencontrer plus souvent.
Indice de satisfaction : 84 %
« The Cabin Project », sortie le 20 avril 2015 chez Stunt Records.