The Limiñanas : Interview face à la mer à Sète
Discuter avec The Limiñanas avant leur concert au Festival « Sous les rochers, la plage » 2018 ? Une occasion en or, même sans préparation ! Voici notre interview « Free Style ».
MusiK Please : Comment expliquez-vous que vous ayez mis autant de temps à émerger ?
The Limiñanas : En fait, on ne cherchait pas à émerger. On voulait produire des disques et faire des concerts, mais la motivation première n’a jamais été de percer. A l’époque où c’était plus compliqué pour nous, on devait sans cesse trouver des solutions pour jouer, enregistrer et presser des disques. On est donc passé par tous les stades. Les tournées fin des années 80, début 90 dans le réseau de lieux comme Les Tontons Flingueurs à Rennes, ou encore à Toulouse avec les ex personnes de Nineteen qui sont devenus Dig It! C’étaient les fanzines qui nous aidaient à jouer.
A cette époque, je jouais dans les Beach Bitches. Ensuite, on a fait notre apprentissage de l’autoproduction et du Do It Yourself. Mais déjà, notre seule obsession était de sortir des disques en vinyle. Et aussi d’aller jouer nos morceaux partout où l’on pouvait.
Au début, ça se limitait à la France parce que c’était avant internet. On n’avait donc pas d’exposition à l’étranger car on n’avait pas non plus le réseau pour le faire. Donc, on jouait partout où l’on pouvait, même au fin fond de la campagne française.
Et vous aviez un travail à ce moment là ?
Oui, on a toujours bossé. Et on l’a fait jusqu’aux Limiñanas, où on en était au stade de vouloir lever le pied sur la musique. On ne voulait pas arrêter, mais on s’était dit qu’on en avait un peu soupé des splits de groupes. Et aussi avec la sensation d’avoir fait le tour d’être dans un groupe basé sur un modèle démocratique. C’est à ce moment où l’on a commencé à faire des chansons tous les deux. Et comme par hasard, c’est là où on a commencé à avoir le plus de retours positifs. D’abord des Etats Unis et de l’Angleterre et plus tard de la France. Mais ça, c’est grâce à l’énorme boulot qu’a fait Because, notre label.
Vous étiez chez Because dès le départ ?
Au tout début, on a enregistré deux titres qu’on a balancés sur internet. On s’est ainsi fait repérer par des américains qui ont sorti des 45 tours, puis un album, qu’on est parti jouer là-bas. Puis on nous a commandé un autre disque et on en a fait quatre en tout. Finalement, on a bossé avec Pascal Comelade sur son album et il nous a présentés à sa maison de disque qui était Because. On s’est très bien entendus et ils nous ont proposé de rééditer nos disques américains et de travailler sur un nouvel album, qui a donné « Malamore ». On a tourné avec ce disque, puis nous avons enregistré « Shadow People », qui est sorti chez Because en janvier. C’est à partir de là qu’on a eu une couverture média française dix fois plus importante qu’avant.
Sinon, le principe de base du groupe, c’est qu’on travaille d’abord tous les deux et sur le modèle du Bel Canto Orchestra ou des Bad Seeds de Nick Cave, on essaie de monter un orchestre psychédélique qui va jouer les titres sur scène à partir du travail qu’on a fait sur le disque. Donc, les gens que tu vas voir ce soir n’interviennent pas sur l’album la plupart du temps, en revanche quand l’album est enregistré, on l’écoute, on travaille sur des arrangements et là, chacun trouve sa place, on est assez open là dessus. La nouveauté cette année, c’est qu’il y a deux chanteurs : On a séparé la scène en deux parties avec Renaud qui chante à gauche et Nika à droite.
Comment s’est passée votre rencontre avec Anton Newcombe ?
C’est lui qui nous a branchés. En fait, il est tombé sur un double CD qui compilait tous nos premiers enregistrements. ça lui a plu, et il nous a fait savoir qu’il voulait bosser avec nous, ce qui était ahurissant et super flatteur. Evidemment, on lui a dit OK. On a saisi l’occasion de faire un premier plan avec lui, quand on a été branchés par MOJO en Angleterre pour faire un tribute des Kinks. Donc, on a enregistré une chanson qui s’appelle « Two sisters », et au moment de faire le chant, on la lui a envoyée pour qu’il fasse les parties chantées de Ray Davies. Il a dit: « C’est super, mais moi je voudrais que la prochaine fois on bosse dans la même pièce. J’aime pas bosser par correspondance ». Justement, à l’époque, on avait fait les trois quarts de « Shadow People » et on est allé le finir chez lui à Berlin. L’histoire s’est faite comme ça.
Et avec Peter Hook ?
On a commencé par faire un titre pour « Malamore », et on lui a redemandé pour « Shadow people », et je pense qu’on va remettre ça pour tous les disques à venir, tant qu’il nous supporte! C’est un gimmick assez fantastique de pouvoir faire un track avec lui sur chacun de nos disques.
Comment expliquez-vous votre succès?
Je ne sais pas si on a du succès, de la reconnaissance c’est sûr. Il y a plusieurs trucs: le fait que la musique soit bricolée par des gens qui ne maîtrisent vraiment aucun des instruments qu’ils enregistrent. Marie joue une batterie ultra primitive, et moi je joue de la guitare comme je peux. J’enregistre des basses et des claviers sur les albums, et c’est toujours sans réellement maîtriser les instruments. Je ne suis pas ingénieur du son non plus. Donc, toutes les erreurs, les accidents dans l’enregistrement, participent au son et j’imagine que tout ça nous a aidés à choper un son qui vaut ce qu’il vaut, mais qui est le nôtre en fait.
La seconde raison c’est qu’on est comme des poissons dans l’eau, à une époque où il n’y a vraiment plus une thune pour produire de la musique, donc en fait ça nous a jamais dérangés parce qu’on n’en a jamais eu pour produire de la musique et en fait c’est une blague qu’on a déjà dit plein de fois avec le budget chips de n’importe quelle chanteuse de R’n’B on peut faire un triple album et du coup par rapport au business aujourd’hui, on est capable de s’adapter à des conditions de tournage. Aujourd’hui elles sont très bonnes mais à l’époque elles l’étaient moins mais ça nous a jamais gênés. On peut enregistrer des albums avec un ordinateur, une carte son et un micro et on est assez à l’aise là-dedans.
Après, peut-être que les gens sont sensibles à ça, dans le sens où 95 % de la musique que tu écoutes aujourd’hui est hygiénique, elle est sans défaut, et globalement emmerdante. Je dis pas que la nôtre ne l’est pas, mais ça nous a permis de sortir un peu du lot. C’est un peu comme ça que je le vois, après peut-être que les chansons sont cool, ça c’est pas moi qui vais te le dire.
Je vous ai vus pour la première fois l’année dernière à Lourmarin. Ce que j’ai le plus apprécié c’est votre concision sans frime, sans chichi…
Oui, le rock’n’roll basique c’est ça, et je ne crois pas qu’on soit des gens snobs ou prétentieux, et j’espère qu’on ne le sera jamais. Mais on est vraiment là parce qu’on a envie de jouer, et à Lourmarin au Festival Yeah ! particulièrement. C’est le plus cool festival. D’ailleurs, on y est retourné cette année pour faire DJ tous les deux. Tu as aussi le festival à Carcassonne, tu sais le producteur anglais, il fait ça dans la cour comtale, c’est vraiment un truc incroyable.
Sur votre dernier album, quel est le titre dont vous êtes le plus fier?
C’est « Dimanche », le titre qu’on a fait avec Bertrand Belin, parce qu’on aime profondément Bertrand. C’est la première fois qu’on essayait de bosser ensemble et je suis super fier d’avoir fait ce morceau avec lui.
Là, on a travaillé sur un album qui devrait sortir en février, le projet qui s’appelle L’Epée, l’album d’Emmanuelle Seigner. On a fait l’album Marie, Anton, Emmanuelle et moi. C’est presque une suite de ce qu’on a sorti l’année dernière, sauf que c’est Emmanuelle qui chante tous les titres. Sinon, dessus il y a trois titres qu’on a faits avec Bertrand et franchement ce sont mes préférés. Bertrand a un style d’écriture et une façon de rythmer les mots qui sont inimitables. Il a aussi des mélodies de chant qui sont démentes, sans parler de la guitare. Là, il n’a pas joué de la guitare avec nous, c’est con, mais c’est un guitariste exceptionnel aussi. Il est bon tout le temps quoi.