Thom Yorke fait tranquillement parler de lui en sortant le 26 septembre dernier, et à la surprise générale,« Tomorrow’s Modern Boxes », son second album solo !
Indice de satisfaction : 67%
Et comme le leader de Radiohead n’est pas du genre à entreprendre les choses à moitié, « Tomorrow’s Modern Boxes », modèle d’électro expérimentale faussement minimaliste, se voit directement distribué sur la plateforme de téléchargement BitTorrent.
Thom Yorke est un éternel joueur. A peine annonçait-il que Radiohead débutait l’enregistrement de son prochain album, que quelques jours plus tard il mettait en ligne son propre disque en téléchargement légal et exclusif. Option permettant au passage de shunter le circuit classique de
distribution pour lequel le chanteur anglais cultive un mépris de notoriété publique. Et si les ô combien généreux irlandais de U2 ont offert leur dernier opus à la pelle au bulldozer pour la joie des uns comme pour la déception des autres, il vous en coûtera 6 dollars (moins de 5 euros) pourdevenir l’heureux acquéreur de celui de l’oxfordien rebelle. A noter qu’une version vinyle de luxe est
également proposée pour près de 40 euros (l’insurrection possédant également ses limites). Mais inutile de tergiverser plus longuement sur la manière de dispenser le fameux disque (ou plutôt l’art de communiquer dans une société exigeant sans cesse plus d’ingéniosité pour vendre sa musique) et revenons à l’essentiel.
« Tomorrow’s Modern Boxes » fait ainsi suite à The Eraser, première et brillante parenthèse solo (chansons et participations ponctuelles mises à parts) de Thom en 2006, que ce dernier appréhende vigoureusement comme un projet commun avec son inaltérable complice Nigel Godrich, par ailleurs producteur fétiche de Radiohead.
En terme de continuité, « Tomorrow’s Modern Boxes » reprend précisément les choses là où les avait laissées son prédécesseur huit années auparavant. A première vue la recette apparait identique et Thom pose sa voix neurasthénique sur un fond de boucles électroniques et autres bidouillages synthétiques, sans trame particulière. L’ouverture de « A Brain In A Bottle » renvoie donc sans surprise aux sonorités tourmentées et ambiances mélancoliques qui démarquaient The Eraser des compositions radioheadiennes les plus aventureuses.
Dans la lignée de leurs travaux préalables certes, mais avec cette nouvelle réalisation les deux inséparables artistes ancrent nettement plus loin leur démarche, laissant totalement libre cours à l’expérimentation. Déstructurés, les morceaux se diluent nonchalamment dans des rythmiques basiques voire chétives. De par son minimalisme qui frise parfois la désuétude (« Interference »), « Tomorrow’s Modern Boxes » peut dérouter à la première écoute (ainsi qu’aux suivantes). Mais l’album mérite pour autant que l’on s’y attarde ne serait-ce que pour la méticulosité de sa production. Le perfectionnisme de Thom Yorke n’est pas une légende et en marge de l’apparente simplicité dont il affleure, « Tomorrow’s Modern Boxes » ne se livre réellement que dans la durée, à l’image du dépressif « Truth Ray », empreint de subtilités sibyllines.
Néanmoins si la saveur se mérite, force est de constater qu’elle ne s’avère pas toujours au rendez-vous. Lorsque par exemple Thom prive de son chant l’enchaînement « There Is No Ice (For My Drink) » / « Pink Section », l’ascendant pris par la froideur déjà omniprésente finit par porter préjudice aux dix (longues) minutes de ce diptyque qui aurait sans doute gagné à aller plus rapidement à l’essentiel. Heureusement, s’ensuit un « Nose Grows Some » où la voix vaporeuse de Thom dérive délicatement sur un nappage fouillé de bout en bout, concluant l’album d’une touche rêveuse bienvenue.
Avec ses huit morceaux inattendus, Thom s’est avant tout fait plaisir et rappelle de fait que si sa complaisance dans le dédain mercantile laisse perplexe, son intégrité artistique n’est plus à démontrer. Peu accessible, « Tomorrow’s Modern Boxes » retiendra principalement l’attention des fans du personnage et autres amateurs de curiosités sonores. Quant à ceux qui ne jurent que par Radiohead ou qui ont découvert inopportunément son chanteur avec Hearing Damage, l’un des titres les plus captivants de la jolie BO de Twilight : New Moon, ils passeront très certainement leur chemin.
Thom Yorke ne recueillera pas l’unanimité, mais il confirme en outre son refus de cantonner sa créativité dans un sentier formaté qu’il lui serait pourtant facile de tracer. De quoi rendre louable la démarche de « Tomorrow’s Modern Boxes ».