L’espace d’une soirée, l’Épicerie Moderne de Feyzin s’est muée en un club new-yorkais. Une soirée un peu hors du temps comme seul Elysian Fields peut en offrir. Live report.
Trouver l’Épicerie Moderne dans sa petite configuration d’accueil a quelque chose d’attristant. Sans être finalement une surprise pour un groupe comme Elysian Fields. Depuis leurs débuts, Jennifer Charles et Oren Bloedow ont tracé leur chemin, indifférents aux sentiers battus par les conventions et autres effets de mode. Et dans une démarche aussi admirable, remplir les salles ne s’avère pas nécessairement compatible.
Françoiz Breut est une fille adorable. Simple, drôle, rêveuse. Et forcément sa musique lui ressemble. Sur fond de douces atmosphères, la chanteuse française conte des histoires qu’elle puise dans son imaginaire tapissé de fantaisie. Capable de nous parler de mouettes aussi tendrement que d’interpréter une chanson « moite » (comprenez ouatée). Difficile de ne pas songer à Dominique A (dont elle est proche), tant dans les climats que dans l’état d’esprit. Même lorsqu’elle se fait plus sombre (« La danse des ombres »), Françoiz apaise et charme. De quoi ouvrir joliment la soirée.
Si Elysian Fields navigue sur des eaux plus ténébreuses et organiques, il ne bouleverse pas pour autant l’ambiance feutrée dans laquelle la salle vient d’être plongée. Duo new-yorkais d’une époque oubliée, Jennifer Charles et Oren Bloedow restent fidèles à cette pudeur devenue quintessence au fil du temps.
Une grande partie du concert sera allouée au dernier « Ghosts Of No », ce dont on ne se plaindra au vu de l’élégance de l’album (chronique ici). Surtout que le disque passe haut-la-main l’épreuve du live sur l’ensemble des tonalités qu’il renferme. Du dépouillement de « Bird In Your House » à l’ambiance cabaret de « Rosy Path ». Du jazzy (l’entêtant « Cost Of Your Soul ») à langueur déliée (« Elysian Fields »).
Mais le plus remarquable reste certainement l’intemporalité du groupe. Elysian Fields affiche 20 années d’une vie assumées par 10 albums studios, sans jamais avoir révolutionné son style. L’enjeu est tout autre, il suffit d’écouter Jennifer chanter pour s’en rendre compte. Cette voix lascive tavelée de nostalgie que l’instrumentation d’Oren comprend si bien.
D’ailleurs, si la section rythmique assure avec une justesse exemplaire, c’est bel et bien le duo qui monopolise l’attention. Jennifer et Oren sont dans leur bulle 100 % new-yorkaise qu’ils entrouvrent avec retenue. Une sorte d’intimité qui donne le sourire en quittant la salle, celui affiché par les bienheureux venant de vivre un moment privilégié.